Ce week-end, le CNS (Conseil National Syrien) réunissant toutes les
chapelles de l’opposition au régime de Bachar Al-Assad, a été porté sur les
fonts baptismaux. C’est à la faveur d’une rencontre à Istanbul, sanctionnée par
un communiqué final lu par Burhan Ghalioune, un universitaire basé à Paris. Il disait notamment, « le Conseil syrien est ouvert à la
participation de tous les Syriens. C'est un Conseil indépendant qui incarne la
souveraineté du peuple syrien dans sa lutte pour la liberté." Le rapprochement entre ce
Conseil et celui formé par les opposants libyens saute aux yeux. Pour autant
parviendra-t-il au même résultat ? Rien n’est moins sûr.
Le caractère hétérogène dudit conseil qui regroupe les Comités locaux de coordination (LCC) pièce maîtresse
des manifestations en cours en Syrie, les
libéraux, les Frères musulmans ainsi que les Kurdes et les Assyriens est un
facteur limitatif. L’écart entre les divers courants idéologiques est énorme ;
la conception de la nature de l’Etat devant naître est loin de faire l’unanimité.
L’apparente union affichée tiendra tant que l’adversaire commun « Bachar
Al-Assad » sera encore au pouvoir et poursuivra la même gestion de la
contestation populaire.
Le CNT libyen a agi de l’intérieur, aux côtés des jeunes révoltés qui, au
prix de leur vie, allaient manifester pour réclamer un autre avenir pour leur
pays. Le CNS aura l’handicap d’être une force de l’extérieur, bien à l’abri des
balles. De plus, plusieurs autres organisations laïques actives sur le terrain
ont déjà pris leur distance à son égard, à cause de la supposée prédominance
des Frères Musulmans, craignant une récupération islamiste du mouvement en
faveur de la démocratie et des droits de l’homme.
L’appui de la communauté internationale, dans ce cas-ci, sera mitigé. Dans le
cas de la Libye, la France qui entendait retrouver un leadership raté dans le
cas de la Tunisie et de l’Egypte, a voulu saisir l’opportunité pour un coup d’éclat.
Le Président Sarkozy, à quelques mois des élections présidentielles, espérait
faire miroiter à son opinion « la gloire et la grandeur » de la France. Mais la longue durée des opérations,
les nombreuses victimes civiles ont lassé l’opinion qui, de plus en plus avertie
et hostile à l’ingérence étrangère dans les affaires internes des peuples,
croit peu aux campagnes de dénigrement contre tel ou tel dictateur. Pour
justifier le renversement de Jean-Bedel BOKASSA, on pouvait facilement agiter dans les médias son anthropophagie
pour susciter l’émotion collective. Aujourd’hui, il en est autrement. Ce coup,
son coup qu’il s’est d’ailleurs empressé d’aller célébrer avec le premier
ministre britannique, n’aura pas tellement arrangé la popularité en chute libre
du président français. Sur le plan économique, le maintien de la plupart des
accords établis avant la crise, ne laisse pas présager de gros avantages. Sur
le plan diplomatique, la « rhétorique » ayant servi à éviter tout
éventuel véto contre la résolution onusienne sur la Libye, aura du mal à
fonctionner cette fois-ci. Les partenaires qui y avaient cru, ont maintenant
compris et du coup, se raidissent sur le cas de la Syrie. L’historique passage
du Sénat français à gauche ces jours-ci devrait préoccuper davantage le président
français et le pousser à se tourner plus vers la politique intérieure pour sauver
ce qui peut l’être encore.
Le président Obama, mis en difficulté par la crise, se tourne aussi de plus
en plus vers la politique intérieure. On l’a vu récemment, lors de l’Assemblée
générale de l’ONU sur le conflit israélo-palestinien.
Tout ce contexte politique rend difficile une action décisive de la
communauté internationale aux côtés de l’opposition syrienne. Enfin la Syrie n’est
pas la Libye, on l’aura assez répété depuis le début de la répression. Une
action maladroite jetterait immédiatement le feu aux poudres dans la région.
Ceci dit, le sang des manifestants pacifiques n'aura pas coulé en vain même s’il faut envisager, pour les jours à venir, un essoufflement des manifestations. Chaque
pays a son destin.
Vivement que les parties en face en Syrie retrouvent la voie du dialogue
pour opérer les inéluctables changements requis par le vent de liberté qui
souffle dans le monde et qui n’épargnera aucun pays. La violence ne construit
pas ; elle détruit.
Père Eric Oloudé OKPEITCHA