mercredi 30 mars 2011

Crise ivoirienne : qui paiera les factures ?


La Côte d’Ivoire s’enfonce progressivement dans la violence après l’échec des multiples médiations mises sur pied pour trouver une issue pacifique à une crise qui semble s’éterniser à défaut de lasser l’opinion internationale. Le camp Ouattara - qui contrôlait déjà la moitié nord du pays, aux mains depuis 2002 de la rébellion des Forces nouvelles – dispose maintenant des «trois quarts» à la faveur de l’offensive des rebelles « Forces Nouvelles » devenues entretemps « Forces républicaines ». Plusieurs villes seraient tombées sans résistance y compris Yamoussoukro, la capitale économique, point fort du régime Gbagbo. Alors que ses forces ont lancé des recrutements massifs de jeunes ce mercredi, ce dernier demande sur les antennes de Radio France Internationale, un cessez-le-feu immédiat et l'ouverture du dialogue ; appel aussitôt qualifié par le camp adverse de « diversion », tellement sûr d’avoir épuisé les voies du dialogue et déterminé à recourir à la force pour sortir de crise.

La France tente d’obtenir le vote de sanctions plus dures à l’encontre de Laurent Gbagbo et de ses proches au conseil de sécurité de l’ONU. Des milliers d’ivoiriens tentent de sauver leur vie en fuyant les zones de combats. Il faut attendre quelques jours encore pour certifier la prise des villes citées. La Libye nous aura appris la prudence face aux villes « prises » puis « reconquises » quelques jours après, dans une contre-offensive. Tout compte fait, les ingrédients semblent réunis pour une situation explosive de guerre civile qui serait la énième que connait malheureusement l’Afrique. Espérons qu’une issue pacifique soit trouvée au plus vite.

Le plus important, pour nous aujourd’hui, réside dans l’avenir de ce pays. Que deviendra cette jeunesse manipulée qui s’engage dans le combat dans l’espérance de se faire de l’argent aujourd’hui et d’intégrer à l’avenir l’armée ? quelle est la qualité de la formation qu’elle recevra dans ces conditions avant d’aller aux fronts ? Le militaire n’est pas seulement celui qui sait manipuler les armes. Autrement, il serait l’équivalent d’un braqueur ou bandit de grand chemin. Quelles valeurs éthiques pourrait-on transmettre à cette jeunesse dans un tel contexte ? Les scènes de violence ou de vandalisme projetées par les médias se gravent intimement dans l’inconscient des jeunes et des enfants tout en minant progressivement l’équilibre de leur personnalité. Une jeunesse est en train d’être sacrifiée sur l’autel de l’appétit du pouvoir.

Quelle que soit l’issue de cette crise, le flux des réfugiés dans les pays limitrophes, la paralysie de l’économie nationale, les recrutements tous azimuts de jeunes soldats, les « dépenses de guerre » des deux camps, le ralentissement des investissements, les « accords secrets » signés ici et là, moyennant soutien économique, politique, militaire ou diplomatique, la perturbation du système éducatif, la déstructuration de l’administration publique doublée et politisée, l’anarchie sociale et les mauvaises habitudes prises pendant ces années de troubles sont des factures à payer à l’avenir. Et personne ne le fera à la place des ivoiriens eux-mêmes.

« Pourquoi les politiciens font-ils des promesses irréalistes ? »

Cher Sonagnon,

Merci de ton dernier courrier où tu m’as dépeint l’ambiance socio-politique qui prévaut actuellement dans notre pays à quelques jours des élections présidentielles. Dans la même lettre, tu m’as demandé pourquoi les politiciens font des promesses irréalistes.

Mon cher neveu, on ne peut pas absolument mettre en doute la bonne foi de nos candidats aux élections présidentielles. Toutefois, j’ose croire que nombre d’entre eux jouent sur la corde de la psychologie des pauvres. Ils font miroiter un bonheur qu’ils ne sont pas nécessairement en mesure de procurer. Le jeu semble à la faveur de celui qui peut ‘séduire le plus’. Dans cette logique, les campagnes électorales prennent l’allure de véritables compétitions de promesses faramineuses (crédits, argent…). Devant des discours théoriquement jonchés des milliards avec la garantie que beaucoup de choses (soins, scolarité, etc…) deviendront gratuites chez nous, l’homme non averti sombre dans le rêve et oublie les vraies questions. Mais si nos politiciens se permettent un tel ‘chantage’, n’est-ce pas parce que sur ce terrain de la pauvreté, chacun d’eux est conscient d’être perçu comme le ‘Messie’ détenteur de la clé de toutes les solutions ? Les problèmes des citoyens peuvent-ils vraiment être résolus sans le concours et l’engagement personnel de chacun ?

Mon cher Sonagnon, pour être bref, je voudrais te laisser méditer les propos suivants : « Un homme qui attend tout de l’Etat, dont il pense que c’est une émanation céleste qui a le pouvoir de créer de l’argent venu de nulle part, n’est pas un citoyen ; un citoyen, c’est quelqu’un qui est conscient qu’il contribue à l’édification de la société par son labeur. Tant que ceux qui votent ne comprendront pas que l’Etat n’est pas un distributeur automatique de billets, mais seulement un gestionnaire de leur argent, il ne pourra pas y avoir de démocratie véritable dans notre pays.» A toi fructueuse méditation, et à notre cher pays, Bonnes et Pacifiques élections !


Ton Oncle P. Coffi Roger ANOUMOU


1) Roland RIBOUX in Michel-Robert GOMEZ et Adrien HUANNOU, L’Education au Service du Développement du Bénin, CAAREC Editions, Cotonou, 2009, p. 4

L’EAU VIVE EN NOS DÉSERTS !


TROISIÈME DIMANCHE DU TEMPS DE CARÊME (A) COMMENTAIRE D’ENSEMBLE DES TEXTES (Ex 17, 3-7 / Rm 5, 1-2.5-8 / Jn 4, 5-42 )


Sans aucun mérite de notre part, Dieu vient à notre rencontre, nous relève. Il nous sauve alors même que nous étions et sommes encore pécheurs. (cf. Rm 5,8). Dans la figure de la Samaritaine, nous découvrons Dieu qui opère en nous et plus intimement à nous que nous mêmes. En Lui seul, pourrions-nous étancher notre soif de vie et de bonheur.


1. La soif de l’Homme !


Les fils d’Israël récriminent contre YHWH au désert à cause du manque d’eau : YHWH est-il encore avec nous ? ou peut-il être au milieu de nous ? Les souffrances quotidiennes nous ferment dans le doute. Du doute, on passe malheureusement parfois à l’accusation gratuite de Dieu comme responsable du mal dans le monde et en nos vies, nourrissant ainsi la fausse conviction que Dieu serait incapable de faire jaillir de l’eau dans le désert. Ce silence apparent de Dieu n’est-il pas un temps opportun de maturation de notre fidélité, de notre foi ? Dans le désert de nos vies et dans la souffrance, Dieu montre sa puissance. A notre infidélité, Dieu répond par la fidélité éternelle de son Amour prévenant. La figure de la Samaritaine contraste avec celle d’Israël. Elle a tout aussi besoin d’étancher sa soif d’eau, consciente de sa vie passée et pécheresse mais une vie humble, ouverte et à tout moment disponible à la grâce de Dieu. Sa soif d’eau devient « soif de Dieu.»


2. La soif de Dieu !


La soif l’homme indique un désir de Dieu. Mais en un premier moment, c’est Jésus le Fils de Dieu et Dieu lui-même qui demande à boire à une pécheresse, une étrangère. La femme ne s’est pas empêchée de montrer, à cet inconnu et étranger, la gravité de sa demande : « oublierais-tu que tu es Juif et moi Samaritaine ? » Jésus lui répond, rompant les obstacles de l’histoire. Il établit avec elle un dialogue. La femme découvre que son interlocuteur est une personne spéciale. Elle l’appelle tour à tour, « seigneur ! prophète !». Elle ne s’enferme pas dans des préjugés et dans les contestations (Massa= défi ; Mériba= Accusation). Elle est une femme de foi dont la vie passée démontre un désir de Dieu que la vie ordinaire avec un homme n’a pu assouvir. Jésus lui révèle qu’Il est le don de Dieu, Celui qui procure l’Eau vive du salut, le Messie. La femme court au village annoncer la nouvelle et revient présenter à Dieu, la foule des gens du village, fruit rénové de sa conversion et de sa foi. Elle devient ainsi disciple et missionnaire de la Bonne Nouvelle. De même, notre vie passée et présente portées à la lumière du Christ et offerte par un aveu sincère, purifie et illumine de grâce toute la cité. Comment aurions-nous une vie de paix et de bonheur si nous dans une situation spirituelle et religieuse confuse et désordonnée ? Jésus-Christ est le lieu spirituel, le temple nouveau où se fera l’adoration. La soif de Dieu, c’est le salut de l’homme, sa volonté de nous voir ses vrais adorateurs.


3. L’Amour de Dieu versé en nos cœurs !


Le cœur de la Samaritaine serait toujours sans la vraie paix tant qu’elle n’aurait pas rencontré Jésus dont la soif est de nous donner la vie et la vie en abondance. (Jn 10,10) En Lui, nous avons la paix dit Saint Paul, non pas d’abord une sérénité intérieure (ce qui n’est pas exclue) mais une paix qui succède à une vie passée faite d’éloignement et d’inimitié à Dieu. La médiation rédemptrice du Christ nous ouvre l’accès à Dieu et au vrai culte « en esprit et en vérité.» Dieu n’est donc pas loin de nous. L’idée que son Amour est versé en nos cœurs, exprime métaphoriquement la surabondance de la grâce accordée à ceux qui ont donné leur foi au Christ. Seule la foi refleurit nos déserts !


Père Chelbin-Alfred Wanyinou HONVO, bibliste.

samedi 19 mars 2011

VOCATION CHRÉTIENNE, entre croix et gloire !

DEUXIÈME DIMANCHE DU TEMPS DE CARÊME (A) COMMENTAIRE D’ENSEMBLE DES TEXTES (Gn 12, 1-4a / 2Tm 1,8b-10 / Mt 17, 1-9 ) « Seigneur ! Il est heureux que nous soyons ici.» Le bonheur qu’éprouve Pierre jaillit certes d’une communion personnelle profonde avec Dieu. Mais pour que cette communion soit pleine, elle doit se nourrir de la Passion du Christ. Sur le mont de la transfiguration nous nous replongeons dans la connaissance de la vraie vocation du Christ au milieu de nous pour y comprendre la nôtre. Vocation et mission du Christ ! Pierre et les disciples et nous avec, n’avons souvent qu’une connaissance trop limitée et partielle de Jésus et de sa mission. Dans l’épisode précédent, Jésus venait d’annoncer sa passion. Chose impensable ! Mais voici Dieu lui-même qui, devant l’incompréhension et l’enfermement de l’homme, prend l’initiative de nous donner un avant-goût de la gloire de Jésus. Il révèle par anticipation, la lumière de la résurrection, point culminant de ce que, Christ est l’aboutissement de la longue marche d’Israël. C’est Lui Jésus, plénitude de la Loi et les Prophètes que la présence Moise et Elie signale dans le récit. Pierre prend goût à la gloire qui vient et est là. Il veut y demeurer ou veut s’y préparer ? De toutes les manières, la Voix de Dieu le Père vient authentifier que le Fils est l’unique Sauveur digne d’être écouté. La nuée lumineuse signe du Saint Esprit, vient introduire l’homme dans la vie de Dieu. En descendant de la montagne, les disciples comprennent que la gloire ne vient que de l’écoute, de l’accueil de la Parole de Dieu dont le Christ est l’épiphanie. Ils se rappelleront de tout ce qu’ils ont appris de Jésus surtout que la gloire ne vient qu’après la croix. L’appel d’Abram devenu Abraham ! Le dépouillement d’Abram et son obéissance à Dieu est un exemple concret illustrant l’évangile. L’écoute de Dieu est l’acceptation de la souffrance d’abandonner Ur en Chaldée, de prendre la route vers l’inconnu de la Terre promise. Initiative gratuite de Dieu qui appelle le nomade et par lui, veut restaurer l’humanité dans sa dignité détruite par le péché de Babel. Le oui d’Abram fait de lui non seulement l’icône de la foi et le père de l’universalité du salut rendu possible, mais l’exemple de l’immersion totale de soi dans la présence de Dieu. En Abram, l’écoute et de la pratique de la Parole de Dieu deviennent l’unique critère d’une vie digne et heureux en ce monde. Renoncer à soi pour écouter Dieu et accueillir sa Parole, c’est devenir bénédiction vivante pour tous nos frères les hommes. Vocation chrétienne, une vocation à la croix pour la gloire De sa prison Paul encourage son disciple Timothée à bout de souffle par les multiples adversités et persécutions contre les chrétiens et contre sa mission. La vie chrétienne est un combat et l’acceptation de souffrir avec le Christ pour le rayonnement de son évangile, fait resplendir sur nous la grâce de la transfiguration : Christ ressuscité donne vie à nos corps mortels et nous illumine de la grâce de l’immortalité. L’écoute de sa Parole et l’acceptation de sa croix ouvrent nos horizons -trop restreints par les illusions de la terre et ses valeurs minimes- et nous portent sur les hauteurs de la communion et de la présence avec Dieu. La gloire de Dieu c’est la divinisation de l’homme. Père Chelbin Alfred Wanyinou HONVO, Bibliste.

Crise libyenne : les occidentaux ont peur de Kadhafi III





Avec le feu vert du conseil de sécurité de l'ONU, les pays occidentaux -France en tête- s’engagent dans une opération militaire contre la Libye ; une opération dictée par la peur de Kadhafi III qui pourrait survivre à la crise et qui pourrait devenir pire que Kadhafi Ier dont les actes restent encore présents dans la mémoire collective.


La révolution du monde arabe n’a pas fini de nous livrer ses secrets et ses surprises. Les cas se succèdent et ne se ressemblent pas. De toutes les façons, par l’ampleur des opérations militaires et les intérêts économiques et géopolitiques en jeu, la Libye va signer sa singularité. Plus que de simples manifestants civils qui réclament, les mains nues, la fin d’un régime dictatorial, il s’agit ici de rebelles armés, combattant et conquérant des villes.


Le minimum est de se poser les questions que voici : quelle est l’identité réelle de ces « rebelles » ? quelle est la provenance des armes qu’ils utilisent ? où, quand et par qui ont-ils été formés à la manipulation des armes ? Ces questions sans réponses aujourd’hui finiront par en avoir avec le temps, tant il est vrai qu’il n’y a plus de secret dans ce monde qui ne finisse sur les toits sinon sur la toile. La victoire et la progression des rebelles sur le terrain ont été suivies par la contre-offensive presqu’achevée de l’armée libyenne, à coups de bombardements sauvages. Et on s'acheminait vers la fin de la rébellion quand, le jeudi 17 mars 2011, est finalement intervenue la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui a autorisé les Etats membres à prendre « les mesures nécessaires » afin de protéger les populations civiles contre les attaques des forces loyales au dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. La mise en place d'une zone d'exclusion aérienne a été aussi approuvée. Les sanctions ont été confirmées et renforcées : gel des avoirs, embargo sur les armes, interdiction aux Etats membres de fournir des mercenaires au régime de Kadhafi. Cette résolution qui a été célébrée à Benghazi, fief de la rébellion, n’est pas l’œuvre de l’Union Européenne dont on connait les tergiversations sur les cas sérieux. Elle est une victoire de la France flanquée, cette fois-ci, de la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’alliée habituelle, marquant le pas.






Pourquoi ce dynamisme de la France ?




Naïf qui croirait au seul amour de la démocratie ou des droits de l’homme… Superficiel qui y verrait une réponse aux dernières déclarations tapageuses du clan Kadhafi ? La vraie raison réside dans la préparation des élections de 2012 en France. La diplomatie française a perdu des plumes dans la gestion des révoltes dans le monde arabe et se retrouve actuellement aux mains d’un vieux de la vieille, Alain Juppé. Pour remonter dans les sondages et surtout rassurer une opinion publique qui vit désormais au quotidien avec la peur, le Président Sarkozy avait besoin de montrer les muscles. Coup parfaitement réussi pour le Président, pour la diplomatie française et son nouveau patron Alain Juppé…




Les résultats escomptés




A quoi pourrait-on s’attendre en Libye quand l’on connait le caractère belliqueux du colonel et des héritiers au trône qui voient leur espérance voler en fumée ? Ne s’acheminerait-t-on pas vers un schéma à l’irakienne, à l’afghane ou à la somalienne ? Aucune hypothèse ne pourrait être écartée au point où nous en sommes. La précaution diplomatique française pour inclure la Ligue arabe, la nature précise de l’intervention militaire qui ne doit pas tourner à l’occupation, ne sont pas des gages sûrs. Seul le terrain commande et l’avenir nous renseignera mieux. Comment aider des rebelles presqu’anéantis à renverser un régime, qui bien qu’amaigri, peut encore faire mal ? Au cas où les rebelles renoueraient avec le succès, les troupes étrangères auraient-elles le droit d’appuyer leur marche sur Tripoli ? Si elles le faisaient, comment qualifier cet acte dans un contexte international où l’on est habitué au cas par cas avec des paramètres variables au gré des intérêts des uns et des autres ? S’agirait-il encore d’aller protéger des populations des massacres d’un dictateur, donc au nom des droits de l’homme ? Ne serait-on pas en train d’aider à la mise en place d’un régime politique capable de sauvegarder, au moins par reconnaissance, les intérêts compromis par Kadhafi ?




Les vrais mobiles de l’intervention




Les communications tapageuses du Guide ou de ses fils, ces dernières semaines, ne rassurent pas. Les occidentaux ont peur. D’abord pour le pétrole. Les menaces Saïf Al-Islam Kadhafi du « Vous allez devoir émigrer car ce sera la fin du pétrole. Les compagnies pétrolières vont quitter la Libye, les étrangers aussi. Les installations pétrolières vont s’arrêter de fonctionner et il n’y aura plus de pétrole », ne font pas rire. Les 1,8 millions de barils par jour exportés 80% vers l’Europe, l’Italie en tête connaîtront des perturbations. Les 3,6 milliards d’euros libyens de parts directes dans plusieurs Groupes italiens : le géant pétrolier ENI, le groupe aéronautique Finmeccanica, la banque Unicredit, Fiat et même la Juventus de Turin pourraient subir des mouvements capables de troubler la stabilité économique de l’Italie. L’arrêt éventuel de l’efficace lutte libyenne contre l’immigration clandestine vers l’Europe est envisagé comme un cauchemar, sans compter avec la possible reprise ou contribution aux attentats terroristes. C’est qu’en réalité, Kadhafi II converti et devenu fréquentable à partir de 2004 cèdera sa place à un Kadhafi III qui risque d’être pire que Kadhafi I dont les actes sont encore présents dans la mémoire collective. Si la peur des occidentaux est légitime, pourrait-on en dire autant de la stratégie envisagée pour l’exorciser ?

samedi 12 mars 2011

L’ ÉLECTION DE DIEU !

PREMIER DIMANCHE DU TEMPS DE CARÊME (A) COMMENTAIRE D’ENSEMBLE DES TEXTES (Gn 2, 7-9 ; 3, 1-7 / Rm 5, 12-19 / Mt 4, 1-11 ) "L’homme s'érigeant en principe de sa conscience morale tombe dans un parfait paradoxe où le Bien véritable lui apparaît amer et difficile, et le mal destructeur succulent et doux d’apparence. C’est cela s’abandonner aux séductions du serpent !"


Arrière Satan ! Tu n’adoreras que le Seigneur Ton Dieu ! L’obéissance à Dieu et à sa Parole fait toujours de nous le nouvel Israël, nouveau peuple élu dans une relation d’amitié avec Dieu offerte par la grâce du Salut. A cette amitié, l’homme répond par le choix renouvelé qu’il fait de Dieu au cœur des épreuves de toutes sortes. Dieu pour sa part, le laisse libre mais l’avertit du danger des séductions du mal et du malin.




1. Choisir de suivre le serpent ?




Deux scènes sont juxtaposées en notre première lecture, qui font contempler le fondement de la grandeur de l’homme et de son exceptionnelle place dans création. Il est certes lié à la terre parce que modelé avec la glaise du sol mais le souffle de Dieu dans ses narines est la Vie divine donnée avec Amour. L’homme ne doit et ne peut rester prisonnier de cette terre. L’arbre de vie dont il reçoit l’autorisation de manger est en réalité cette vie à lui communiquée par Dieu et qui lui assure l’épanouissement et le bonheur de la communion avec Dieu. Rompre cette relation de communion, c’est se retrouver à consommer le fruit de l’arbre de la connaissance du Bien et du mal : se retrouver dans l’illusion de la liberté en se positionnant comme « dieu » ou mesure de déterminer par soi-même son propre bien et son mal. L’homme s’érige en principe de sa conscience morale. Cette situation l’immerge dans un paradoxe : le Bien véritable lui apparaît amer et difficile, et le mal plus succulent et plus doux d’apparence. C’est cela s’abandonner aux séductions du serpent !




2. Faire l’élection de Dieu !




Prolongeant le drame des séductions du serpent ou du diable, l’évangile nous propose de méditer Jésus qui se solidarise avec les hommes subissant l’épreuve du piège de l’autosuffisance et de la désobéissance à la mission divine. Citant les écritures à ses fins, Satan prend appui sur 3 éléments sensibles en un moment où Jésus était humainement affaibli par 40 jours de jeûne : la faim (tentation du pain), les gloires et les honneurs (tentation du prestige et aussi fait de tenter de Dieu), la domination de l’homme par l’homme (tentation du pouvoir). En ces différentes situations Jésus refuse d’utiliser son pouvoir divin ou d’utiliser Dieu à ses propres fins sinon que d’obéir à sa volonté. Il a le pouvoir de faire miracles mais ne le fait que pour le service du Règne de Dieu dans la vie des hommes. Les réponses de Jésus au diable sont basées sur les différentes façons de pécher contre l’amour de Dieu que nous découvrons par exemple dans le livre du Deutéronome (Dt 6-8) : le doute à l’égard de la puissance divine, l’idolâtrie de la matière et du pouvoir et toutes séductions qui menacent l’Eglise et chaque chrétien quand on refuse de se prévaloir de tout autre amour ou de tout autre pouvoir que celui de Dieu. « L’obéissance à Dieu élève la liberté de choix dans la liberté parfaite!» (H. Urs von Balthasar)




3. Dieu va à la recherche du pécheur !




L’obéissance de Jésus à la volonté d’amour de Dieu procure la justification, la grâce de salut à tous les hommes. Paul en deuxième lecture précise bien que Jésus vient rétablir l’ordre rompu par Adam. Mais cela ne veut pas dire que sans effort(s) nous deviendrons automatiquement justes. En Christ, nous ne sommes plus esclaves du péché, du mal et la mort. Il a ouvert la voie de la foi véritable qui sauve. La vie des sacrements et nos petits actes d’amour de Dieu à travers la prière, le jeûne et le don charitable de soi aux autres, nous unissent à Dieu et nous font l’élire tous les jours de notre vie.




Père Chelbin Alfred Wanyinou HONVO, bibliste.

samedi 5 mars 2011

LE CHEMIN DE LA VIE !

NEUVIÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (A) COMMENTAIRE D’ENSEMBLE DES TEXTES (Dt 11,18.26-28.32 / Rm 3,21-25a.28 / Mt 7, 21-27 ) Dire « Seigneur, Seigneur » ne suffit pas pour entrer dans le Royaume de Dieu ! Il faut joindre l’acte à la Parole. Si Dieu est le Dieu-qui-parle, Il est surtout Dieu-avec-nous, présence vivante d’une Personne en notre vie et en notre histoire. Aussi en notre vie, sa Parole doit-Elle devenir action, vie et présence en LUI. 1. Fidélité à la Parole ! La fidélité à la Parole de Dieu est fidélité à la volonté divine exprimée dans l’Alliance. Il ne suffira pas seulement de le savoir ou de l’accueillir, il faut en faire le centre de gravité et l’énergie de toute sa vie, « cœur, âme, main, front », autant d’instances ou éléments importants de l’être humain devant être mobilisés pour l’actualisation de la Parole. Au front, la Parole de Dieu est lumière pour les yeux et pour notre intelligence permettant ainsi de bien voir pour bien discerner. La main est l’instance de l’action transformatrice de la cité sous la protection divine. Le cœur et l’âme signifient l’homme en son être intérieur et sa conscience. Le binôme bénédiction-malédiction qui conclut la première lecture, n’est autre chose que l’appel à la responsabilité de l’homme, appel à se concentrer sur le Bien qui jaillit de cette fidélité. 2. Écouter et mettre en pratique L’agir chrétien pour être vrai, doit s’enraciner dans la fidélité à l’écoute et à la célébration de la Parole de Dieu et sa mise en pratique. La simple reconnaissance du Messie comme Seigneur ne suffit pas. Il faut intégrer la volonté de Dieu au vécu personnel quotidien. Les actions spectaculairement spirituelles accomplies au nom de Jésus n’auront de valeur que si elles ont pour base une vie humble d’amour et de justice. Celui qui écoute la Parole et ne la met pas en pratique bâtit sur du sable c’est-à-dire sur de l’éphémère. Celui qui au contraire met en pratique ou dont la foi devient foi opérante et vie concrète, bâtit sur le rocher. L’antithèse sable-rocher ou illusions artificielles et vrai Bien de l’homme, indiquent que le bonheur familial, personnel ou national jaillit de l’accueil et de la mise en pratique de la volonté de Dieu. 3. La foi qui sauve ! L’épître aux Romains dont nous commençons la lecture ne contredit ni l’évangile, ni la première lecture. Notre foi à accueillir, par le baptême et les sacrements de l’Église, Jésus-Christ Parole de Dieu faite chair, nous introduit dans l’amitié avec Dieu. Mais si cette amitié ou cette foi devenait stérile, notre être-chrétien perd de sa vérité et de sa saveur. Elle a donc besoin pour être vraie, de la pratique quotidienne d’union au Christ pour obtenir la Justification finale, c’est-à-dire pour que nous soyons déclarés justes devant Dieu. C’est la foi entretenue et pratiquée en Jésus-Christ qui nous fait « être-en-Dieu » et nous sauve. Père Chelbin Alfred Wanyinou HONVO, Bibliste

mardi 1 mars 2011

Points d’ancrage culturels : la conception africaine fataliste du destin


Le mythe yoruba de la création relate les mésaventures d’Oricala (Obatala, le fils aîné déchu de sa mission de créer de la terre ferme sur les eaux originelles) qui reçoit cependant, en contrepartie, d’Olodumare, (Dieu) le pouvoir de modeler, dans la glaise, le corps humain ara. Ainsi, une fois le modelage achevé, il le présente à Olodumare qui y insuffle la force vitale (emi). Doté de ce souffle, ara peut maintenant se mouvoir. Mais, il lui manque encore la tête ori. Aussi se dirige-t-il vers le magasin d’Ajala, le potier des têtes. Il s’y rend et choisit librement sa tête. Ce n’est qu’à ce moment seulement que l’homme (enian) peut entreprendre son voyage de (orun), ciel vers (aiyé), monde. Les têtes ne sont pas identiques ; il en existe de toutes sortes : des meilleures aux pires. De la tête choisie dépendra la vie future de l’homme sur la terre.

Ce mythe très ancré dans le milieu yoruba explique la pratique de la consultation des oracles à chaque naissance d’enfant. On voudrait connaitre les caractéristiques et les exigences de l’ori avec lequel il est arrivé au monde. A partir, de ce moment, on donne une certaine orientation à la vie de l’enfant, on commence par demander à sa mère d’observer certains interdits, on l’oriente pour telle ou telle formation à partir des aptitudes innées en lui et révélées aux parents par l’oracle ou Ifa.

Le problème se pose dès lors que l’homme yoruba et africain se met dans la tête que tout est déjà écrit pour lui. Fait-il un accident ? meurt-il prématurément d’une maladie ? Ne réussit-il pas dans la vie ? A-t-il une vie sentimentale instable ou tumultueuse ? La réponse est toute simple et claire : « c’est son sort », « c’est écrit pour lui », « il ne pouvait surtout pas l’éviter.» Le mieux à faire est d’aller encore consulter l’oracle, en milieu yoruba (Ifa) pour savoir les raisons du malheur ou de l’échec. Si celles-ci résident dans la violation d’un interdit de son « ori », il fait les sacrifices nécessaires pour réparation et tout devait pouvoir normalement rentrer dans l’ordre. Par contre, si le malheur en question rentre dans la « programmation » de son « ori », il n’y a pas de sacrifice à faire. Il subit ou assume. Cette conception du destin entraîne une attitude de résignation, de démission et de renoncement à tout combat. Au lieu de chercher à dominer la nature, à vaincre ses hostilités, à dépasser ses propres limites, l’africain se soumet facilement et s’installe dans une passivité qui l’empêche d’évoluer.

Le jeune africain devra prendre conscience de cette conception très ambiante dans son milieu pour la dépasser en revêtant les marques d’un conquérant. Le « ori » ne saurait être un déterminant absolu. Autrement il enlève à l’homme sa plus grande dignité, la liberté et la responsabilité, à mon sens, deux facettes d’une même médaille. Victor Hugo, très simplement disait : « ceux qui vivent, sont ceux qui luttent.» Il est grand temps que la jeunesse africaine prenne son destin en main, sachant clairement que la vie est un combat, que rien de grand ne se construit ou ne s’obtient sans effort, qu’aucune malédiction ne pèse sur son continent et qu’aucun destin ne l’a préposé à la misère, à la mort violente dans les conflits armés, dans le désert ou dans la mer, à l’errance en Europe sans avenir ni présent, vivant de la mendicité et de la pitié d’autres hommes qui ploient aussi sous le poids de leurs propres problèmes. Jeune africain, lève-toi et prends ton destin en main.