samedi 26 février 2011

UNE SEULE AGENCE D’ASSURANCE-VIE : LA FOI ET L’ABANDON A DIEU !

HUITIÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (A)
COMMENTAIRE D’ENSEMBLE DES TEXTES
(Is. 49,14-15 / 1 Co 4,1-5 / Mt 6, 24-34 )


Une mère n’oublie jamais son enfant ! De la même manière, Dieu ne t’oublie pas. Sois confiant et abandonne-toi à Lui. La recherche de sa Justice ou l’abandon de soi à sa volonté de Dieu, purifie notre cœur, l’empêche de devenir esclave de l’argent, esclave des illusions de sécurité et toutes assurances artificielles et fallacieuses de notre société moderne.

1. YHWH (Dieu) ne t’oublie pas !

Le «silence de Dieu» dans nos situations de souffrance est toujours difficile à comprendre. Le prophète Isaïe rassure que plus YHWH est silencieux mieux Il est proche de nous. Il n’abandonne pas sa créature : « une femme oublie-t-elle l'enfant qu'elle allaite ? N'a-t-elle pas pitié du fruit de ses entrailles ? Quand elle l'oublierait, Moi je ne t'oublierai point. » (Is 49,15) Dieu n’est pas la cause de nos malheurs. Sa main tendue dans l’épreuve dépasse celle d’une mère et nous convoque à la responsabilité, et à faire la vérité sur ce qui nous arrive en tant qu’êtres créés libres. Céder à la tentation de s’éloigner de Lui devant le drame de la souffrance et de la mort, est un choix dangereux au profit d’un nouvel exil dans la Babylone des biens artificiels de ce monde, Babylone du péché, qui éloignent du Royaume de Dieu et de sa Justice.

2. Mais tu ne peux servir Dieu et Mammon (Argent) !

L’évangile que nous lisons aujourd’hui, dénonce le danger de l’idolâtrie du bien-être et de la richesse. Il faut opérer un choix entre Dieu et Mammon (l’argent). Le travail par lequel nous gagnons notre vie et l’argent nécessaire pour la famille, n’est-il pas aussi et essentiellement notre participation à la gestion de la création ? Quand la recherche de ces biens devient effrénée au point de ne viser que la rentabilité économique, le mal prend possession du cœur de l’homme. Tout moyen devient nécessaire pour gagner de l’argent même au dépens de la santé de l’homme et au pris de sa dignité. Jésus n’a pas dit, ne faites rien. Il ne fait pas l’apologie de la paresse. Bien au contraire, Il nous fait comprendre que nos assurances et toutes nos sécurisations sont vides et vaines sans Dieu. La foi et l’abandon à l’Amour de Dieu et sa providence nous préservent de la présomption de vouloir nous sauver ou garantir la paix et la sécurité de nos familles par nos seules conquêtes matérielles et par notre propre force: « Cherchez d’abord le Royaume de Die et sa Justice et tout vous sera donné par surcroît. » (Mt 6,33)
Notre rapport aux biens de la terre ne doit pas obscurcir Dieu en nous. Quand l’agir humain est conforme à la volonté de Dieu (Justice de Dieu), son Règne prend possession de notre vie. Il chemine avec nous par sa grâce et le rapport aux biens matériels devient source de grande liberté intérieure. Cette liberté et cet abandon, Paul l’exprime en deuxième lecture. Nous sommes et devrons être des intendants fidèles des biens de la création et des mystères de Dieu. L’abandon à sa sainte volonté est le plus sûr moyen de nous forger des assurances pour l’avenir.

Père Chelbin Alfred Wanyinou HONVO, Bibliste.




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jeudi 24 février 2011

Crise libyenne : les héros du respect de la vie

"Ils pourraient être à juste titre considérés comme des héros du respect de la vie, de véritables martyrs qui ont préféré mourir que de faire mourir."

Les crises se succèdent au Maghreb sans se ressembler. Après la Tunisie et l’Egypte, le vent de la révolution populaire mettant fin à plusieurs décennies de dictature arrive en Lybie. Le colonel Kadhafi, instruit par le sort de ses voisins Moubarak et Ben Ali, s’est préparé à affronter ou mieux à contrer la tempête. On parle aujourd’hui de « boucherie », de « génocide », de « répressions massives » perpétrés par des soldats et des mercenaires aux ordres du guide suprême de la révolution libyenne… Ces termes sont à prendre avec la réserve nécessaire de même que les chiffres avancés eu égard à la difficile couverture médiatique de cette crise. En tout état de cause, le moins que l’on puisse dire est que le sang des libyens coule et interpelle la conscience de la communauté internationale frileuse à condamner ouvertement et directement Kadhafi. On est désormais habitué à sa conduite à géométrie variable selon les intérêts en jeu. Le dernier discours belliqueux du colonel qui contraste avec celui du 24 février, n’augure pas de lendemains meilleurs. Comme nous le disions à propos de la crise égyptienne, le propre des dictatures est de ne jamais savoir apprécier le « trop tard ». Les temps ont changé, le monde aussi et pourquoi pas la Libye elle-même. Cela, le guide libyen le comprend difficilement vu la teneur de son discours resté révolutionnaire (le mal, ce sont les autres !). A défaut de le saisir de façon notionnelle, il finira par l’admettre dans les faits. Quelle que soit l’issue des répressions actuelles, le régime a entamé son processus d’implosion après 40 ans de règne sans interruption. La défection de ministres qui commencent par « parler », les démissions en cascade d’ambassadeurs et de hauts gradés de son armée, le passage sous contrôle des manifestants de pans entiers du territoire, la partition en deux de l’opinion nationale (les pour et les contre) en sont les signes épatants pour qui sait voir.
Mais ce que nous voudrions mettre en relief dans ce « carnage » est l’héroïsme des militaires qui ont refusé de bombarder ou de tirer sur des manifestants civils au prix de leur propre vie. Deux chasseurs ont atterri à Malte pour éviter de répandre le sang de leurs compatriotes. Un autre s’écrase avec son appareil pour ne pas obéir à l’ordre de semer la mort. Des médias évoquent des exécutions sommaires de soldats qui ont refusé de mâter les manifestants. Ils pourraient être à juste titre considérés comme des héros du respect de la vie, de véritables martyrs qui ont préféré mourir que de faire mourir. De toute évidence, ils ne jouiront pas des fruits de leur sacrifice sur cette terre des hommes, mais leur acte mérite d’être salué : faire primer la voix de la conscience sur celle du mal, de la vengeance ou de la terreur. Ils pourraient même passer dans l’oubli, rangés simplement au nombre des victimes du soulèvement, mais l’histoire finira par leur faire justice, de même que l’auteur de la vie qui a impérativement demandé à l’homme de respecter la sienne et celle des autres.
La jeunesse africaine est invitée à intérioriser la bravoure de ces héros du respect de la vie pour ne plus se laisser instrumentaliser par les seigneurs de la guerre, assoiffés de sang et de pouvoir qui l’utilisent à de viles fins au grand mépris de la vie qui est éminemment sacrée.

lundi 21 février 2011

Quel est ton pays ? (Suite et fin)

Mon cher neveu,
Comme promis, voici la suite du courrier que je t’ai adressé, où je te parlais de l’affinement de ma conscience patriotique ici en Europe. La question bien évidemment est « quel est ton pays ? ».

Mon cher Sonagnon, ne pense pas qu’il soit toujours simple d’apaiser la curiosité des gens avec une simple mention de nom. A travers la demande « quel est ton pays ? », il faut comprendre que la réelle préoccupation de tes interlocuteurs est de savoir quel type de cliché mérite ta provenance nationale. En effet, à l’échelle mondiale, chaque pays porte une image constituée de plusieurs facteurs. Il y a des pays connus parce que tristement célèbres : ce sont, par exemple, des pays quotidiennement évoqués dans les médias internationaux parce que troublés par des guerres et des conflits armés. Dans cette catégorie, rentrent aussi malheureusement des pays frappés par des catastrophes naturelles, des calamités, des tremblements de terre, des épidémies, des famines à grande échelle.
Contrairement à cet ensemble, il y a aussi les pays réputés pour leur influence mondiale, leur puissance économique ou même pour leur performance sportive (victoire dans des compétitions mondiales). Ce sont des pays dits développés et considérés comme grands. La grandeur ici n’est pas une question de superficie. La Suisse est bien petite en taille géographique, toutefois elle constitue un point de mirage dans le monde.
Un autre groupe est celui des pays pauvres ou pays du tiers monde. Ces pays sont les sanctuaires ordinaires et connus de la misère, de la famine, d’où proviennent généralement des images d’enfants décharnés aux yeux hagards, de malades di Sida en phase terminale… Cette étiquette est celle qu’on colle facilement à notre cher continent l’Afrique et à ses pays. En chaque africain, on voit un « éventuel misérable » obligé de quitter son pays, un « mendiant potentiel » prêt à vous troubler la conscience par ses éternelles jérémiades, en somme, « un problème. »
Mon cher neveu, ce cliché, au-delà de son caractère peut-être provocateur, est interpellateur. Nous devons œuvrer à conférer à nos pays africains ainsi qu’à tout le continent une image positive et honorable. Que la Paix, l’Unité, le Développement soutenus par nos valeurs culturelles africaines soient les vrais pôles de notre philosophie de vie. Un tel projet comporte pour nous un grand nombre d’implications sur lesquelles je reviendrai dans mes prochaines lettres. Porte-toi bien.
Ton oncle P. Coffi Roger Anoumou.

dimanche 20 février 2011

VIE CHRÉTIENNE, FORCE NOUVELLE D’UN MONDE MEILLEUR !

SEPTIÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (A)
COMMENTAIRE D’ENSEMBLE DES TEXTES
(Lv. 19,1-2.17-18 / 1 Co 3,16-23 / Mt 5, 38-48 )


En un moment où plus que jamais, l’humanité peine avec insuccès à garantir à tous et à chacun une vie paisible et digne dans et avec les institutions justes, la vocation chrétienne à la Sainteté et à l’Amour des ennemis, est une force nouvelle. Cette force ouvre de pistes insoupçonnées en vue d’une Justice nouvelle pour un monde nouveau et meilleur.

1. Soyez Saints car Moi YHWH Je suis Saint

Le sens ou la raison d’être des commandements de Dieu n’est d’abord pas d’assurer une simple coexistence pacifique dans la cité. Au quotidien, ils révèlent Dieu en son Amour et l’appel qu’Il nous fait de l’élire (le choisir) en notre vie, Lui le Vrai Bien. Cette élection de Dieu est la communion à sa Sainteté. L’appel à être ou à devenir saint n’est donc pas un ajout supplémentaire à notre appartenance chrétienne. Elle lui est inhérente et conaturelle parce que la sainteté est le lieu où YHWH se révèle. Pas de vie chrétienne sans la sainteté. Pour nous aider à concrétiser cette vie de sainteté, le code du Lévitique souligne: « tu n’auras pas de haine dans ton cœur» (Lv 19,17a). Le cœur est le lieu d’où provient tout ce qui retient l’homme captif du péché, du mal et du mal social. Quand le cœur est toujours un « cœur-rancœur », le mal se divulgue davantage.

2. Aimez vos ennemis !

Dieu est Amour et en cet Amour, il n’y a pas de restriction. « Son Amour ne se laisse pas déconcerter par la haine, l’aversion, l’indifférence de l’homme » (H. U. von Balthasar). Il a créé par Amour et en cet Amour, Il nous sauve. La passion du Fils de Dieu est le refus emblématique du recours au mal ou à la violence comme solution ou réponse au mal subi et vécu. Ce n’est pas le mal qui élimine le mal. « Comme un agneau que l’on mène à l’abattoir, il n’ouvre pas la bouche.» Il ne s’agit pas d’une simple résistance passive, résistance psychologique ou morale comme dans les cas de Mahatma Gandhi ou d’un Martin Luther King encore moins d’une indifférence devant le mal. Mais plutôt la tentative de désarmer le mal, troubler la conscience du malfaiteur, lui faire avoir honte de lui même pour écouter Dieu en son cœur et provoquer en lui la conversion. C’est en définitive un nouveau rapport à créer avec l’ennemi qui ne l’oublions pas, est aussi créé à l’image de Dieu avant de la défigurer. La logique interne à la vie chrétienne ne peut plus être, « donne pour que je te donne (do ut des) », « j’aime ceux qui m’aiment. » Notre amour limité au cercle strictement restreint de nos affinités linguistique et religieuse, politique et professionnelle, culturelle, ethnique et familiale, est le retour à la mentalité de la jus talionis, loi du talion (talis = semblable, même ) encore en vogue même aujourd’hui. Elle est une mentalité mercantile qui réduit exclusivement la vie sociale à une justice distributive. La justice du chrétien doit pouvoir aller au-delà du minimum commun et reconnu. Le chrétien n’est-il pas sel de la terre, lumière du monde ? Il est surtout temple du Dieu vivant en ce monde.

3. Vous êtes le temple de Dieu

Sel de la terre et lumière du monde, l’appartenance au Christ crucifié est le seul critère qui définit l’être disciple du Christ. Plus qu’une simple appartenance, le disciple porte Dieu en lui. Il est tabernacle vivant de la présence de Dieu en ce monde, temple de l’Esprit de Dieu. Cette marque de confiance ne peut se comprendre que dans la lumière de l’agir divin, sa Sagesse révélée en Christ que le monde ne peut cerner. De conséquence, cette confiance change nos critères d’évaluation et d’approche des questions sociale et éthique, politique et économique de notre monde. C’est cela, la lumière nouvelle qu’apporte la foi chrétienne à la vie du monde. En sommes-nous conscients ?

Père Chelbin Alfred Wanyinou HONVO, Bibliste.

mercredi 16 février 2011

Crise égyptienne : « savoir quitter le pouvoir avant qu’il ne vous quitte »

"L’entêtement à s’accrocher au pouvoir naît souvent de la conception du pouvoir comme source d’enrichissement mais aussi d’une dynamique fusionnelle de soi avec la fonction ou le pouvoir que l’on exerce."



Un ancien chef d’Etat africain disait il y a quelques années qu’il faut savoir « quitter les choses avant qu’elles ne vous quittent .» Si ces propos pouvaient être considérés comme une maxime, il faudrait systématiquement et impérativement l’enseigner en un cours spécial à tous les chefs d’Etat du continent africain. En effet, l’histoire politique du continent, ces dernières 50 années, regorgent de chefs d’Etat, héros au départ, usés par la longévité au pouvoir et ses corollaires de perte des idéaux de base, de généralisation de la corruption, de l’institutionnalisation du népotisme et autres vices du pouvoir sur fond de dictatures féroces et répressives. Faut-il évoquer ici le cas de Mobutu, contraint à céder le pouvoir sous la pression de la rébellion dirigée par Kabyla et à prendre la route de l’exil ou de la petite porte ? on connait la suite pour lui-même et pour son pays richissime mis à genoux par d’interminables conflits à paramètres multiples et dont nul ne connait l’issue. Certains, plus chanceux, sont morts de maladie, laissant derrière eux, un héritage difficile à gérer : Félix Houphouët Boigny pour la Côte d’Ivoire, Eyadema Gnassingbé pour le Togo, Omar Bongo pour le Gabon…



Le président égyptien Hosni Moubarak ne semble pas avoir saisi les leçons de la mauvaise conclusion de carrière de ses pairs. Il vient d’en faire les frais après 18 jours de protestations sur la désormais célèbre place « Tahrir » symbole du printemps arabe, de l’aube nouvelle qui se lève non seulement sur le Proche-Orient mais sur toute l’humanité. Les promesses de réformes faites, ces jours-ci, dans la foulée des manœuvres de gestion de la crise auraient pu être entreprises, il y a quelques années que nous ne serions peut-être dans la situation actuelle du « héros » béni de Dieu (sens de Moubarack) devenu l’indésirable. Mais il semble que la maladie commune des dictatures est de ne jamais savoir s’arrêter à temps ni quand il devient « trop tard ». Les tentatives pour contrer le mouvement en contrôlant les médias ou en soulevant des contre-manifestants ont révélé leurs limites. La détermination et le courage du peuple égyptien et surtout de la jeunesse ont payé ; les temps ont changé, le monde aussi.



Le « savoir quitter le pouvoir » que nous proposons comme première leçon de la crise égyptienne à la jeunesse africaine repose sur une nouvelle conception du pouvoir. Comme nous le disions dans le cas de la Côte d’Ivoire, il doit être un service ponctuel, rendu dans la plus grande transparence et le plus grand dépassement. En effet, l’entêtement à s’accrocher au pouvoir naît souvent de la conception du pouvoir comme source d’enrichissement et d’impunité pour ses caprices mais aussi d’une dynamique fusionnelle de soi avec la fonction ou le pouvoir que l’on exerce. Les temps ont changé, le monde invisible de Lippmann Walter dans son livre L’Opinion publique ou la haute sphère, témoin des ignominies de tout genre, inconnue du peuple est détruit ; en lieu et place, s’est érigé un monde où tout le monde sait tout sur tout comme dans un petit village ou un quartier de ville. Mais quelles sont les implications géopolitiques et stratégiques de cette chute du Raïs après de 30 ans pouvoir ? Quelles en seront les éventuelles répercussions pour le Proche-Orient et le continent africain ? Et l’après Moubarak ?

samedi 12 février 2011

FOI CHRÉTIENNE, LOI NOUVELLE QUI CHANGE LE MONDE

SIXIÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (A)
COMMENTAIRE D’ENSEMBLE DES TEXTES
(Si 15,15-20 / 1 Co 2, 6-10 / Mt 5, 17-37 )




La foi chrétienne est sans cesse un appel à une vie conséquente inspirée du projet de salut de Dieu. Insérée dans ce projet d’Amour, la vie humaine est chaque jour purifiée dans le mystère de la sagesse divine et la puissance de l’Esprit. Elle en sort renouvelée. Dieu nous propose cette vie nouvelle et nous prie de l’accueillir : « si tu veux… »

Si tu veux…

Dieu a créé l’homme libre et le respecte dans sa liberté. C’est une marque de confiance où la responsabilité de l’homme dans la gestion de la création, gestion de sa propre vie, est engagée et plus que jamais sollicitée. Les commandements sont en réalité l’expression de la sagesse divine qui guide nos cœurs et nos pas, et ouvre la voie à plus d’espace de vie et de lumière. Dans cette logique, la vie ici-bas devient « un choisir et un décider avec Dieu ». Trahir cette confiance, c’est trahir l’Amour de Dieu qui en réalité se cache derrière les observances ou pratiques quotidienne de notre foi : notre choix n’est donc libre qu’au moment où il est un choix pour Dieu qui purifie notre liberté au creuset de sa loi révélée en son Christ.

Je suis venu…porter la loi à sa plénitude

L’attitude de Jésus par rapport à l’héritage judaïque est en réalité positive. Ce n’est pas la Torah qui est mauvaise si ce n’est ce que l’homme en a fait. Elle est la loi venue de Dieu. Mais cette loi doit désormais avoir comme centre de gravité, l’Amour c’est-à-dire Dieu Lui-même incarné en son Fils, médiateur du salut et du Bien de l’Homme. Le but de toute la révélation commencée depuis l’ancienne Alliance est d’introduire le disciple, le chrétien dans cette connaissance du Vrai Bien, Jésus le Christ, plénitude de toute la loi. C’est le seul par qui nous avons la pleine révélation des mystères de Dieu et de sa volonté sur l’homme. L’évangile en donne l’illustration simple à partir de 4 points importants des commandements de Moise, l’homicide, l’adultère, le divorce et les serments que Jésus reprend et purifie. Par exemple, par rapport au « tu ne tueras pas », Jésus va à la racine du mal : les mensonges qui tuent plus que l’arme, les insultes, les homicides moraux et toute pensée de mal couvée et entretenue dans le cœur. La réflexion sur le « tu ne commettras pas d’adultère » et la question du divorce, fait un saut dramatique de qualité pour nous faire comprendre que, la vie chrétienne nous appelle à un ordre plus radical dans les choix et les priorités. Sans cela, le risque est grand de déterminer nous-mêmes notre bien ou notre mal en fonction de nos désirs et de nos passions c’est-à-dire devenir le principe de notre propre conscience morale : danger de tourner le dos à Dieu. La nouvelle justice inaugurée en Christ, ne se mesure plus en termes quantitatif exclusivement d’observances extérieures mais en relation au Royaume de Dieu et uniquement par rapport à l’adhésion du cœur et de tout notre être aux exigences de la Sagesse du Mystère de l’Amour de Dieu.

Dans la Sagesse du Mystère de Dieu

Ce mystère d’Amour de Dieu est un mystère purificateur de notre être et donateur de ce que l’Homme ne peut jamais par lui-même avoir, la Lumière de l’Esprit car la sagesse de ce monde est vouée à la destruction. (1Co 2,6). L’expérience de foi de Ben Sirac le sage en un moment de crise des valeurs en Palestine (IIè siècle avt. J.C), montre que les difficultés ou contingences de l’histoire n’altèrent en rien l’héritage de la foi. Elles nous convient plutôt à purifier l’exercice quotidien de notre liberté au creuset de la plénitude de la loi révélée en Christ Sagesse de Dieu. Seule la foi chrétienne fait pénétrer ce mystère de Dieu. Il n’est pas d’ordre de l’arcane mais d’ordre de profondeur de passion d’Amour pour le salut de l’Homme. Mystère devenu sagesse de la puissance de la croix clairement en contraste avec toute sorte de logique humaine et mondaine. C’est pourquoi elle est cachée aux dominateurs et aux savants d’ici-bas et surtout à tous ceux qui cherchent à être ou devenir le principe de leur propre conscience. En la personne de cette Sagesse, la vie chrétienne est une force nouvelle qui change le monde.


Père Chelbin Alfred Wanyinou HONVO, bibliste.

jeudi 10 février 2011

La source des malheurs de l'homme moderne

Dans un élan critique et réaliste, Hannah ARENDT peint l'homme moderne dans ses principaux traits. Sans peine, on découvre un appauvrissement terrible de la pensée métaphysique et une carence criarde des valeurs éthiques. Tout est centré sur la productivité et l'utilité pratique. Ce faisant, l'homme moderne a creusé la source de ses malheurs.
" Parmi les principales caractéristiques de l'époque moderne, depuis ses débuts jusqu'à nos jours, nous trouvons les attitudes typiques de l'homo faber : l'instrumentalisation du monde, la confiance placée dans les outils et la productivité du fabricant d'objets artificiels; la foi en la portée universelle de la catégorie de la fin-et-des-moyens, la conviction que l'on peut résoudre tous les problèmes et ramener toutes les motivations humaine au principe d'utilité; la souveraineté qui regarde tout le donné comme un matériau et considère l'ensemble de la nature "comme une immense étoffe où nous pouvons tailler ce que nous voudrons, pour le recoudre comme il nous plaira." (Bergson); l'assimilation de l'intelligence à l'ingéniosité, c'est-à-dire le mépris de toute pensée que l'on ne pourrait considérer comme une démarche en vue de "fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils, et d'en varier indéfiniment la fabrication"; et enfin l'identification toute naturelle de la fabrication à l'action."
Hannah ARENDT, op. cit., p. 381

dimanche 6 février 2011

QUEL EST TON PAYS ? (1)



En " SONAGNON" qui signifie dans une langue africaine "Demain sera meilleur" se retrouve chaque jeune africain, appelé à incarner un meilleur avenir pour le continent.


Cher Sonagnon,
J’ai bien reçu ta lettre dans laquelle tu voulais savoir les questions que les européens me posent souvent ici. Tu as raison car les européens ont une curiosité insatiable ; il semble que leur façon de ‘s’intéresser’ à une personne, c’est de lui poser des questions. Parmi leurs curiosités, la question la plus fréquente est : « quel est ton pays ? ». Parfois, elle est autrement formulée : « De quel pays viens-tu ? » ; « D’où viens-tu ? » ; « De quelle partie de l’Afrique es-tu ? »

Mon cher neveu, je ne me rappelle pas le nombre exact de fois où l’on m’a posé cette question, mais je puis t’assurer qu’elle m’a été adressée plus d’un millier de fois. J’ai même l’impression que pour l’européen, c’est ton pays qui remplace ton père, ta mère et même ta famille. La belle preuve est qu’ils m’ont rarement demandé qui est mon père, ma mère ou ma famille.

De cette expérience, je pense avoir tiré une belle leçon. En effet, cette demande très fréquente au sujet de mon pays a fini par forger en moi une conscience patriotique plus affinée que celle que j’avais au pays. Je me suis demandé, avec un pincement au cœur, pourquoi il fallait affronter cette situation de séjour à l’extérieur avant de voir émerger en moi ce type particulier de conscience patriotique.

Cher Sonagnon, ce que je te dis va bien au-delà d’une simple fierté nationale. C’est quelque chose qui, je pense, ne préoccupe pas souvent dans la routine quotidienne et la tranquillité qu’on éprouve chez soi où tout semble aller de soi. Mais une fois hors de ta patrie, tu te rends mieux compte que provenir de tel ou tel pays est une affaire sacrée. Avoir une appartenance nationale devient pour toi un besoin vital. Quand tu voyages à l’extérieur, ton pays te suit. Il te couvre de son manteau. Ta dignité vaut sa dignité, ton histoire se lit dans son histoire. Je comprends maintenant pourquoi certaines personnes voyagent toujours avec un petit drapeau de leur pays en poche.

Si tu faisais mon expérience, tu te rendrais compte de combien il est important d’honorer son pays partout. N’attends pas de te retrouver hors du tien avant de t’acquitter de ce devoir sacré. Ce qui se vit dans ton pays est ce qui le fait connaître et lui confère son image à l’extérieur. A ce sujet, je te vois justement curieux de savoir quelle est l’image que donne l’Afrique à l’extérieur ? La réponse, dans ma prochaine lettre, mon cher Sonagnon.

Père Roger ANOUMOU, Psychologue de l’Education.

LA FOI CHRÉTIENNE, UNE CHANCE POUR L’HUMANITÉ !





CINQUIÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (A)
(Is 58,7-10/ 1 Co 2, 1-5 / Mt 5, 13-16 )


Les chrétiens sont une chance, une ressource ou mieux une grâce pour l’humanité. Ils sont le nouvel Israël, le peuple de bienheureux en marche vers la pleine Lumière du Règne de Dieu. Des textes d’aujourd’hui, se dégagent trois symboles: le sel, la lumière et la croix. Ces symboles ont la fonction interprétative concrète des béatitudes du dimanche dernier, et nous disent en quoi consiste la mission essentielle des disciples du Christ.

1-Vous êtes le sel de la terre

Dans la Bible, le sel est une métaphore polyvalente. Il est tour à tour, signe de la pérennité et de l’indissolubilité de l’alliance (2 Ch 13,5 ; Lv 2,13), agent de purification (2 R 2,2 ; Ez 16,4), signe de stérilité et de malédiction (Gn 19,26 ; Jg 9,45 ; So 2,9)...Son usage est aussi multiple tant dans le monde sémitique que chez nous aujourd’hui. A la lettre, et au point de vue agronomique et écologique, le sel est nocif à la terre. Il la rend stérile. Mais l’au-delà des mots précise l’intention de l’auteur. Les disciples ou les chrétiens sont le sel de la vie humaine sur terre. En ce sens, ils ont pour vocation de relever et d’actualiser la saveur des grâces divines de notre salut, d’en conserver la pureté et d’apporter à la vie du monde un autre goût, celui de l’Évangile. N’oublions cependant pas deux autres éléments : une fois dans l’aliment, le sel y est invisible mais se fait aussitôt remarquer. On le ressent aussi vite quand il n’y est pas. Il a été dans l’histoire, un produit important. C’est avec du sel que les soldats romains étaient rémunérés d’où l’origine du mot salaire ( salarium = ration de sel indemnité du soldat ). Sous cette image, on peut découvrir l’humilité, l’efficacité et la nécessité de la foi. Pour qu’une foi soit authentique et nécessaire, il faut qu’elle soit humble et efficace dans l’engagement.

2- Vous êtes lumière du monde

Le titre « Lumière du monde » est un titre messianique attribuable seulement au Seigneur. Lui-même l’applique aux disciples et nous y contemplons non seulement un acte de confiance mais la grandeur de ce que nous sommes devenus en Christ. Configurés au Christ Lumière, les disciples sont devenus «enfants de lumière» (Ep 5,8). En chassant les ténèbres, la lumière oriente, indique le sens de la vraie vie et avertit du danger qui obscurcit le cœur et l’attire vers le mal, la mort. Cette lumière a deux caractéristiques : sa visibilité et son exemplarité. La ville située sur une montagne est visible de tous. Sous l’effet du soleil ou de la lumière du jour, elle se dresse altière et resplendissante. Telle est la foi-lumière qui prend de la hauteur par rapport aux situations avilissantes d’ici-bas qui tirent vers le bas et la bassesse des obscurantismes modernes. En ce monde, la foi chrétienne devient exemple (paradigme), qui indique le chemin du Beau et du Bien, non de l’artificiel ou du matérialisme asphyxiant. En Mathieu le Bien et le Beau sont synonymes (Mt 7,17 le lien entre kalos et agathos). Les « bonnes œuvres » de la foi sont celles qui nous font contempler Jésus vivant en toute personne enchaînée dans les liens de pauvreté et de servitude et à agir en conséquences pour faire connaître et unir à Dieu. Sans cet esprit, les bonnes œuvres chrétiennes perdent leur valeur et deviennent de purs actes de philanthropie avides de publicité dans des institutions d’aide sous des dehors de caritas.

3- En vous, rien d’autre que le Christ crucifié !

La logique de la croix définit la vraie identité de la foi chrétienne et en précise tous les contours. En Jésus crucifié se réalise le plan divin de salut de l’humanité. Les disciples ou chrétiens l’annoncent humblement pour en rayonner efficacement par leur vie et leur foi, « sel de la terre et lumière du monde ». Comme Paul, ils sont conscients de leur faiblesse et petitesse. Mais leur visibilité-humilité, efficacité et exemplarité dans l’union avec le Christ crucifié et dans la puissance de l’Esprit, est une grande révolution qui, sans bruit, dans la dignité, la liberté de tous et le respect des diversités, change le monde en Bien, en Vrai… Notre fierté, c’est le christ crucifié. La foi en Lui est une ressource, une grâce pour l’humanité.


Père Chelbin Alfred Wanyinou HONVO, bibliste.