samedi 31 décembre 2011

QUE TON VISAGE SEIGNEUR NOUS ILLUMINE !


1er JANVIER 2012 - SAINTE MARIE MÈRE DE DIEU  

COMMENTAIRE D’ENSEMBLE DES TEXTES

(Nb 6,22-27 /  Gal 4,4-7 / Lc 2,16-21)

Par la prière de l’Angelus, la vie chrétienne s’immerge quotidiennement dans l’Incarnation pour redécouvrir sa vocation à se renouveler de l’intérieure. Le nouveau cycle conventionnel d’organisation du temps qui commence a plus que jamais besoin d’être illuminé par ce mystère du Dieu-fait-Homme dans le sein de Marie.


1.     Le Seigneur est avec nous, Il nous  bénit !

La bénédiction que recommande le Seigneur à ses prêtres, vient comme une réponse aux efforts de la communauté, à respecter les lois de YHWH, à se purifier de tout péché (cf Nb 5, 1-6,21) dans sa marche vers la Terre promise. Le peuple, s’il veut continuer avec succès, doit agir selon sa foi. YHWH n’est pas seulement le Dieu qui fait sortir de l’esclavage ou le Dieu d’un jour, Il est Dieu-avec-nous, Dieu-avec-son-peuple. Il est sujet de toute bénédiction dans le ministère sacré des hommes qu’Il a choisis et qui sont incontournables dans l’actualisation des grâces de  l’alliance. De Moise aux fils d’Aaron jusqu’aux pauvres Bergers de l’évangile, la médiation humaine est nécessaire et déterminante dans l’annonce. La foi ne provient pas de nos initiatives personnelles. Elle naît de l’annonce des hommes et des femmes d’hier et d’aujourd’hui (Is 53,1 ; Rm 10,17) qui se mettent en mouvement pour porter le monde à l’écoute des merveilles de Dieu et à la vision du Verbe incarné, Christ au milieu des hommes. La Parole reçue et annoncée par des Bergers, gens d’humble condition et sans grande dignité sociale reconnue, inonde les cœurs du mystère de la personne du Christ. Dieu se donne à son peuple par la bénédiction et la joie de la proclamation constitutives de sa présence, sa propre vie au cœur du monde. L’homme a ainsi sa place dans le cœur et la vie de Dieu, il entre dans la vision de Dieu.

2.     « Visage de Dieu » qui resplendit  !
Le visage ou la face de Dieu évoquée en première lecture s’éclaire dans l’évangile. De leur propres yeux, les bergers ont vu l’Enfant-Dieu présent dans une mangeoire d’animaux, signe de dépouillement et de sacrifice d’où jaillit le vrai pain qui nourrit tout homme. Dieu montre ainsi son visage et sa vie resplendit dans le cœur, la vie et le visage des bergers. C’est la vraie image que Dieu donne et laisse de Lui-même dans notre vie (véronique). En Christ, Fils de Dieu nous contemplons ce Visage qui transforme et transfigure tant ceux qui annoncent que ceux qui écoutent et accueillent  la Parole de Dieu faite chair : « la vie de l’homme est la vision de Dieu » (Irénée C. H. livre 4,207). Notre accomplissement n’est qu’en Dieu qui se fait l’un de nous pour nous donner la vraie vie. «Je suis le pain de vie…» (Jn 6,35). Mais plus que simples annonciateurs, les bergers deviennent bâtisseurs d’un nouvel ordre du monde, une civilisation nouvelle qui naît de l’évangile et de l’humilité des marginaux de la cité et de tous ceux qui comme Marie sont capables de garder dans le cœur les événements de notre salut, de les méditer ( mettre ensemble) pour laisser l’Esprit du Christ envelopper tout l’être. C’est là, la gloire spirituelle de Marie et de tous les humbles et pauvres de cœur. « Aux sages et aux savants tu caches ton mystère…» (Lc 10,21-22 ; Mt 11,25). Marie est une école pour tous : écoute et méditation de la Parole de Dieu et de ses merveilles salvifiques où le cœur se laisse illuminer du Visage de Dieu. Elle est la figure de notre accomplissement et le signe que seul l’évangile procure l’énergie et la joie vitales dont nous avons besoin.

3.     La Joie d’être fils dans le Fils !

L’année civile se met à juste titre sous sa maternelle protection pour indiquer la merveille de notre être-fils en Christ fruit de son « oui » à l’évangile. Dieu en son Fils, a connu la précarité de nos fragilités et la misère de l’esclavage de nos lois humaines. Il nous en a libérés non en transgressant la loi par une quelconque arrogance rebelle mais en acceptant cette fragile condition de l’humain. L’année nouvelle portera le fruit de ce que nous serons capables ou non de nous ouvrir à la grâce du Christ et nous laisser illuminer par Christ.

P. Chelbin Alfred Wanyinou HONVO

mardi 27 décembre 2011

LA CONDAMNATION A DEUX ANS AVEC SURSIS DE JACQUES CHIRAC, UN AVERTISSEMENT SOLENNEL

                                               Jacques Chirac, le 5 novembre 2010.AFP/PATRICK KOVARIK
Plus de 20 ans après les faits qui remontent d’ailleurs à l’époque où il était maire de Paris, Jacques Chirac a été condamné à deux ans de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris, le 15 décembre 2011, à la suite un procès fort médiatisé, tenu du 5 au 23 septembre. On reproche à l’ancien Chef de l’Etat français le "détournement de fonds publics", l’"abus de confiance" et la "prise illégale d'intérêt", pour une vingtaine d'emplois, sur les vingt-huit objet d’examen par la cour. Ce dernier a choisi de ne pas faire appel bien qu’il condamne catégoriquement le jugement en s’en remettant simplement aux parisiens et parisiennes qui l’ont porté trois fois à la tête de leur ville, aux français et françaises qui lui ont confié les rennes de l’Etat pour deux mandats successifs.


Au-delà de l’aspect émotionnel que suscite le fait de voir un ancien Chef de l’Etat devant la justice, en d’autres termes, réduit à la plus simple expression commune d’humain et de citoyen – on revoit encore Saddam Hussein devant ses juges, Hosni Moubarak porté au tribunal dans un brancard, Laurent Gbagbo répondant aux questions des juges de la CPI - ces événements poussent à la réflexion sur la nature du pouvoir dans le contexte démocratique et de façon générale, dans le contexte de notre époque. L’obligation de rendre compte devient une exigence étendue à tous les nouveaux. Le pouvoir monarchique couvrait d’immunité le monarque qui l’exerçait à vie et mourait avec les secrets et les abus de son règne. Le pouvoir dictatorial est actuellement en passe de disparaître – à quelques exceptions près - acculé par la revendication des peuples à vivre libres, à choisir leurs dirigeants et à pouvoir se prononcer sur la manière dont ils sont dirigés. Ce qui transforme radicalement le pouvoir public en un exercice ponctuel sous haute surveillance, avec un taux d’impunité garanti très bas. Il n’y a donc normalement plus de place pour les médiocres invités à changer de métier tant il est vrai, qu’avec les moyens de communication actuels, il est possible de remonter le fil du temps pour réexaminer tel ou tel aspect de la vie des gouvernants.


Ces mutations du pouvoir doivent être saisies par la jeunesse africaine. Si le pouvoir en Afrique a été pendant longtemps le fait des rois puissants disposant de la vie et de la mort de leurs sujets en toute impunité – même si certains, parmi eux, ont fini tragiquement -, puis celui des présidents battant le record de la longévité au nom de la stabilité, le cours de l’histoire subit aujourd’hui des changements notables qu’il faille prendre en compte. Ce qui se passe actuellement au Sénégal – avec un président octogénaire qui veut briguer un troisième, semble détonner par rapport à marche actuelle de l’histoire. Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, la fin des pouvoirs qui se veulent « éternels » est connue.


Somme toute, le procès et la condamnation à deux ans avec sursis de l’ancien président français Jacques Chirac, plus de 20 ans après les faits, après avoir bénéficié de l’immunité pendant ses deux mandats présidentiels, sonne comme un avertissement solennel à tous les hommes au pouvoir que la reddition des comptes est à envisager à tout moment.

                                    P. Eric Oloudé OKPEITCHA

samedi 24 décembre 2011

LE VERBE DE DIEU S'EST FAIT CHAIR...!


JOUR DE NOËL (B)
COMMENTAIRE D’ENSEMBLE DES TEXTES
(Is 52,7-10 / He 1, 1-6 / Jn 1,1-8)



 

A la différence des autres évangiles, l’évangile selon Jean commence par scruter « le mystère intérieur de Jésus le Christ » Fils de Dieu. Il s’emploie à en montrer sa relation profonde avec Dieu dont Il est le Verbe et Dieu Lui-même. C’est en Lui Christ que s’accomplit toute existence humaine.



1.     Voici le Messie de Dieu qui vient consoler  Sion !



Le retour du Seigneur à Sion que chante Isaïe, est une hymne de victoire et de consolation après l’humiliation et de destruction de Jérusalem par les troupes de Nabuchodonosor. YHWH se fait présent à son peuple en un moment où l’instabilité et la précarité, la perte du sens et de toute dignité ont cloué Israël au pilori des misères. Il faut contempler les pas du messager qui annonce la délivrance mais surtout le message de salut dont Il est porteur : parole de vie, source de salut. Le texte s’ouvre et se referme par le mot salut (Jeshouah). Seule la Parole de Dieu est créatrice de vie, de reconstruction et de bonheur. La nouveauté de cette expérience de consolation et de salut est universelle. Le salut investi tout le genre humain, plus seulement Jérusalem ou la Judée mais toutes les nations de la terre. La Parole créatrice de Dieu révèle le « Règne de Dieu » visible aux yeux de tous et à l’œuvre dans tous les cœurs. Dieu en son Messie s’incarne dans l’histoire. Il est force universelle de l’agir de Dieu, effigie de sa substance, Verbe qui transforme toutes nos précarités existentielles en lieu et projet de vie. Son nom est Jésus, (Jeshouah = salut), le salut de Dieu.



2.     Christ Jésus, Parole de Dieu fait Homme !


Dans l’expérience de cette foi biblique, Salut et Parole sont liés. Dieu a toujours été le Dieu qui parle et exprime ses volontés.  Cependant les paroles en leur multiplicité nous renvoie à l’unique Parole, Christ Jésus verbe incréé, sans principe et sans fin, éternellement en communion de gloire et d’amour avec Dieu-Père. Rien de ce qui a été fait, ne l’a été sans Lui. Il est Lumière qui éclaire tout homme et donne la vie car c’est en Lui que s’élabore et s’inaugure la nouveauté de notre humanité et sa re-création. Saint Paul en ses lettres n’a pas manqué de réaffirmer cette nouveauté (kainos = nouveauté 2 Co 5,17 ; Ga 6,15): « Si donc quelqu'un est dans le Christ, c'est une création nouvelle : l'être ancien a disparu, un être nouveau est là. » L’être nouveau ne vient au jour que par notre être-en-Christ. La vie que sa Lumière produit en tout homme qui croit en Lui détruit les forces du néant, du chaos et des ténèbres qui jadis opéraient en nous. Naissant Homme comme tout homme, Dieu a brisé les limites qui séparent la créature de son Créateur et restaure en Christ la vraie image et dignité de l’homme. : « le Verbe s’est fait chair pour que la chair devienne verbe » (Maxime le Confesseur). Il nait Homme pour que l’homme naisse en Dieu, fils de Dieu. La vocation de tout homme est de devenir verbe c’est-à-dire exprimer pleinement l’image de Dieu que nous sommes. La figure du Baptiste apparaît ici comme le prototype de cet accomplissement. Et, au-delà du caractère historique preuve que Jésus Christ a été vraiment au milieu des hommes, le témoignage de Jean-Baptiste souligne que tout accomplissement et plénitude de vie en ce monde ne se fait qu’en Christ. C’est par la foi que nous sommes rendus capables de cet accomplissement de félicité en Lui.


3.     Christ Jésus, Révélation définitive de Dieu !



Dans le mystère du Christ vrai Dieu né vrai Homme à Bethléem, s’opère la véritable purification de notre humanité et la re-création permanente de notre existence. A Noël, Dieu se donne à voir comme Parole disponible à redonner ordre et vie à ce qui a perdu tout sens et toute dignité. « …Il nous a parlé par le Fils… Resplendissement de sa gloire, effigie de sa substance, ce Fils qui soutient l'univers par sa parole puissante » (He 1,1.3) Christ est source et sommet de toute la pédagogie communicative de Dieu entreprise depuis des millénaires. Mais Il n’est pas un super prophète, Il est Dieu, l’ultime et définitive Parole qui révèle Dieu et arrache  aux forces du mal qui ont vent en poupe dans nos sociétés qui éperdument s’illusionnent de se construire sans Christ.

P. Chelbin Alfred Wanyinou HONVO


samedi 17 décembre 2011

DIEU, CHEZ NOUS CHEZ LUI POUR UN MONDE NOUVEAU


QUATRIÈME DIMANCHE DE L’AVENT (B)
COMMENTAIRE D’ENSEMBLE DES TEXTES
(2 Sam 7,1-5.8b-12.14a.16/ Rm 16,25-27 / Lc 1,26-38)




La disponibilité de Marie à devenir mère de Dieu, a opéré une révolution qui fait voir comment la puissance du Verbe de Dieu se sert de l’humilité et de la pauvreté humaine pour rénover l’histoire : l’humanité partage la vie même de Dieu, « Dieu avec nous et nous avec Lui et en Lui ».



1.     Le Seigneur est avec toi… !



L’opposition de Dieu à David, malgré la bonne intention de ce dernier, est accompagnée de la promesse de rendre à jamais stable sa dynastie et sa descendance. Ainsi, Dieu se révèle, Dieu au-delà de tout créé et de toutes représentations humaines. Il n’est pas Seigneur et Dieu pour être installé et seulement confiné quelque part en un lieu. Il est le Dieu qui dans le temps comme dans l’espace, vit avec son peuple, le conduit et prend soin de lui. Le temple matériel ou la belle cathédrale à construire n’est nécessaire que s’il (ou elle) devient instrument de notre appel à la conversion pour incarner la beauté et les merveilles du Seigneur en nous. L’expression « le Seigneur est avec toi » caractéristique de l’histoire de vocation dans les écritures et ici tant adressée à David qu’à la vierge Marie, se réfère à la constante et efficace assistance de Dieu mais nous ouvre au mystère universel de la présence divine dans l’histoire. Ce mystère de l’universalité du salut et donc du véritable Temple de Dieu au milieu des hommes est Christ qui a germé dans le sein de la vierge Marie. La prophétie de Nathan se réalise dans les paroles de l’ange : « le Seigneur lui donnera le trône de David son Père » (Lc 1,32).



2.     Réjouis-toi… comblée de grâce…!



L’ange Gabriel ne commence pas par appeler Marie par son nom sinon par lui communiquer la joie, joie de la grâce de la présence du Seigneur. Cette première parole de l’ange (kaire) même comprise comme formule de salutation –comme elle a souvent été traduite – porte en elle la dimension de la joie retrouvée. Le christianisme est fondé sur la joie, joie du salut qui n’est en réalité que le mouvement que Dieu fait en naissant homme au milieu des hommes pour que l’homme renaisse et revive dans le sein de Dieu. L’offre de la joie, est Dieu lui-même qui se donne, la force de sa Parole qui n’attend que notre « oui » pour devenir chair en nous. Le « oui » de Marie n’est pas fruit d’une soumission aveugle et inintelligente. Elle a plutôt accueilli et reçu la Parole de Dieu pour ce qu’elle est : force qui transforme et fait vivre. A la Parole écoutée, elle s’est d’abord rendue disponible puis s’est abandonnée et l’Esprit l’a rendue capable d’accueillir Jésus. La Vierge devient ainsi modèle du temple qui accueille l’arche de l’Alliance et abrite le corps de notre rédempteur. Là se réalise cette promesse du don du Messie et de la stabilité annoncée à David. L’histoire humaine jadis tiraillée par les forces du mal, reprend sens et vie dans l’amour de Dieu qui établit en Christ sa demeure au milieu des hommes.



3.     Je suis la servante du Seigneur… !



La foi et l’écoute de la Parole de Dieu, élaborent et inaugurent une nouvelle humanité où l’homme retrouve sa dignité première. A l’exemple de Marie, laissons-nous aller «à l’obéissance de la foi » dont parle Paul et qui n’est rien d’autre que l’effort sans cesse renouvelé à faire place à la force de la Parole de Dieu en nous. La deuxième lecture s’ouvre par « mon évangile » (seulement en Rm 16, et 1 Co 2,4) : évangile, Bonne Nouvelle du mystère du salut, Christ Lui-même annoncé aux hommes, mystère resté caché depuis des millénaires, et qui éclate au grand jour. « Mon évangile » signifie donc accueil de l’Annonciation que Dieu fait chaque jour pour établir sa demeure en nous. Dieu, peut-Il compter sur moi ?



                                                                          Chelbin Alfred Wanyinou HONVO











mercredi 14 décembre 2011

UN "PRINTEMPS" RUSSE ?

                                        
                                          Manifestants russes.  Photo par STAFF/Reuters
                                   /Photo prise le 5 décembre 2011/REUTERS/Anton Golubev


Les ondes du printemps arabes semblent se propager vers la Russie de Poutine. C’est du moins ce qui ressort de la gigantesque manifestation anti-Poutine le lundi 5 décembre 2011 dans plusieurs villes de la Russie. Depuis les années de Boris Eltsine, on n’avait plus vu pareilles mobilisations en Russie. Seulement 30.000 selon la police et plus de 100.000 selon les organisateurs. Normale et habituelle guerre des chiffres en pareilles circonstances ! mais au-delà des chiffres, le fait suscite réflexions.

Que se passe-t-il en Russie ?  A entendre les manifestants, ils réclament l’annulation pure et simple des élections législatives jugées truquées en faveur du parti au pouvoir (Russie Unie) qui n’a pas toutefois manqué de perdre 77 sièges au Parlement. Sur leur plateforme de revendications 4 autres points figurent, à savoir la libération des détenus politiques dont Mikhail Khodorkovskij, l’ex-patron du Yukos, la démission du chef de la commission électorale centrale, l’enregistrement de tous les partis politiques  et la démocratisation des lois régissant la vie politique et enfin l’organisation de nouvelles élections législatives. Ces revendications sont assorties d’un ultimatum de 15 jours. Faute de quoi de nouvelles manifestations déjà prévues le 24 décembres signeront la mise en route de la « révolution blanche » (couleur portée par les manifestants.) Qu’a pu faire Poutine, héros de la Nation, qui a remis la Russie sur les rails par des réformes économiques fort  appréciées pour devenir objet de tant de slogans hostiles ? qu’est-ce qui explique cette fissure dans un pouvoir aussi fort ?

A notre avis, il s’agit avant tout de l’effet contagieux du vent de liberté qui souffle actuellement  sur le monde. La chute des régimes forts du monde arabe, à peine imaginable il y a quelques mois, a été un grand précédent pour tous les peuples menés par des régimes non démocratiques ou dictatoriaux. Le « pourquoi pas nous ?» est une puissante source de motivation. En effet, après près de 12 ans au pouvoir, Poutine s’apprête à retourner au Kremlin en mars prochain pour 4 ou 8 années encore, puis  éventuellement une pause constitutionnelle et ainsi de suite… Or,  il s’agit de comprendre que la perspective du « pouvoir éternel » devient de plus en plus insupportable pour les peuples ;  le sentiment d’un avenir pré-déterminé par un leader fût-il charismatique  ou un clan est devenu, en soi, source de révolte. Même si ces manifestants semblent infimes par rapport à la population globale et que le pouvoir en place les traite d’agents à la solde des Occidentaux, il faut s’abstenir de minimiser aussi vite l’issue desdites manifestations.  Tout a commencé aussi simplement et aussi banalement dans le monde arabe. Les résultats sont là aujourd’hui.  Affaire à suivre de près….
P. Eric Oloudé OKPEITCHA

samedi 10 décembre 2011

UN SYSTEME ECONOMIQUE SANS COEUR, DES P. A. S. AFRICAINS AUX PLANS D'AUSTERITE EUROPEENS



Source photo:
Les années 80 ont été très difficiles pour les pays africains. Plusieurs parmi eux, en cessation de paiement des salaires, ont dû recourir aux institutions économiques internationales de Bretton Woods (Banque Mondiale, Fonds Monétaire International…) pour un plan de sauvetage. Et alors, ils ont découvert dans leur chair, le vrai visage du capitalisme à travers les fameux Programmes d’Ajustement Structurels visant à résoudre le double déséquilibre économique et financier. Ces divers programmes imposés aux Etats africains se sont traduits par le changement obligatoire d’option idéologique : les pays d’obédience marxiste léniniste comme le Bénin ont été contraints à renoncer publiquement et officiellement à ladite idéologie; le changement de régime politique : au parti unique devait succéder immédiatement le multipartisme intégral avec des élections libres et le respect des valeurs démocratiques et des libertés; le dégraissage systématique de la fonction publique avec les départs volontaires (des fonctionnaires ont été incités, moyennant un fond d’accompagnement- qu’ils ont mal géré pour la plupart, n’ayant pas été préparés – à quitter la fonction publique) et les départs ciblés entrant dans la politique de réduction drastique du nombre des fonctionnaires; le blocage des recrutements des agents permanents de l’Etat pour plusieurs années; la privatisation des sociétés d’Etat passées aux mains des capitaux étrangers dans la plupart des cas.
Les conséquences sociales de toutes ces mesures ont été désastreuses : des vies brisées, des morts par manques de moyens ou par désespoir, le vieillissement progressif des fonctionnaires sans relève. Il faut dire que 20 ans plus tard, toutes les blessures ouvertes ne sont pas encore cicatrisées. Et à cette époque on s’illusionnait qu’une telle cure ne pouvait concerner que les Etats Africains.
Mais la crise grecque et surtout la façon dont elle a été gérée, les réformes politiques, économiques et sociales imposées à ce pays nous ont prouvé le contraire. Les lamentations de la rue grecque n’ont pu arrêter les mesures de plus en plus drastiques destinées à rassurer les marchés. En se retrouvant le 8 décembre 2011, les dirigeants européens ont pu saisir la portée de la crise : un tiers d’entre eux, en l’espace de quelques mois, ont été emportés dans les flots furieux de la crise. Sur cette liste des victimes de la crise, on ne peut omettre le premier ministre italien Silvio Berlusconi. La crise, en l’espace de quelques semaines, aura réussi là où l’opposition et les scandales répétés n’ont pu rien faire. Le tandem Sarkozy-Cameron qui a parfaitement fonctionné en Libye jusqu’au « show commun » à la fin des opérations n’a pas résisté à la révision du traité de l’Euro incluant des sanctions automatiques  pour les dérapages budgétaires nationaux. Le Royaume-Uni se retrouve dans un isolement sans appel à cause de son opposition à tout contrôle de Bruxelles sur la City. Par ailleurs, les discours des Etats Européens sur le non-respect des droits de l’homme par la Chine ont cessé à cause d’une éventuelle main secourable que pourrait incarner ce pays. C’est dire combien nous sommes entrés dans un monde dominé par un système économique sans cœur… Quelle est alors la place de l’homme dans un tel monde ?

P. Eric Oloudé OKPEITCHA

BIENTOT LA LUMIERE EN TA NUIT JAILLIRA... !


TROISIÈME DIMANCHE DE L’AVENT (B)
COMMENTAIRE D’ENSEMBLE DES TEXTES
(Is 61,1-2a.10-11/  1Th 5,16-24 / Jn 1,6-8.19-28)


Christ est lumière qui chasse les ténèbres de notre vie et détruit le mal qui nous empêche d’exprimer pleinement l’image de Dieu que nous sommes. Ce troisième dimanche de l’avent nous annonce la certitude de notre salut et la joie du vivre en Dieu pour nous élever à la dignité de fils.

 1.     L’annonce du Prophète : joie d’un monde nouveau !
Le prophète se positionne en sa mission d’envoyé de Dieu pour rendre visible aux yeux d’Israël, les actions et la force transformatrice de la Parole de Dieu. En cette Parole, le croyant peut chaque jour reconquérir son être-homme, comprendre sa vraie dignité que nulle souffrance ne peut ternir et détruire. C’est vrai, la fin de l’exil à Babylone et le retour en patrie ne signifiaient pas automatiquement fin de toutes les souffrances. Le prophète annonce la consolation divine. YHWH est le Dieu qui seul peut reconstruire ce qui est détruit ou semble désagrégé. Cette mission est celle du Messie qui vient. En lui et avec Lui, tout refleurit : la Bonne nouvelle est annoncée aux pauvres, la guérison est conférée au cœur brisé, la liberté aux prisonniers et aux captifs, l’annonce d’une année de bienfaits accordée par le Seigneur (Is 61,1.2). C’est l’œuvre de l’Esprit du Messie, joie d’un monde nouveau.

2.     L’annonce de Jean-Baptiste : joie du témoignage !
Le Messie annoncé, c’est le Christ, lumière du monde que nous connaissons mal ou dont nous déformons quelque fois l’identité. Il est la Lumière qui nous guide et chasse toutes ténèbres de nos vies. Mais la lumière a-t-elle besoin de témoin ? Ce paradoxe du quatrième évangile qui présente le Baptiste comme témoin suggère avant tout de méditer l’humilité de Celui qui est annoncé. Christ-Lumière ne s’impose à personne. A qui l’accueil et s’insère tout aussi humblement dans son humilité, Il donne d’être véritablement homme pour devenir participant de la vie divine. La figure du Baptiste en est une preuve. En Jean-Baptiste, nous retrouvons clairement présenté l’appel de notre cheminement vers cet accomplissement en Christ. Jean est cette figure du témoignage et surtout d’humilité de celui qui se sait instrument et précurseur qui s’efface pour que Christ grandisse et règne dans les cœurs. Toutes les conditions n’étaient-elles pas remplies pour qu’il tire profit des foules qui venaient à lui ou entre en rivalité avec le Messie comme les grands prêtres, les scribes et tous pharisiens d’hier et d’aujourd’hui ? Jean-Baptiste indique au contraire comment de notre communion avec Christ naîtra la vraie joie qui donne sens et valeur à la vie. Son annonce est l’annonce de cette grande joie de notre être en Christ, celui du passage de l’ego de notre vieil homme à l’homme nouveau c’est-à-dire à l’expérience du vide que sans cesse nous ferons pour qu’advienne en nous la plénitude de la Présence du Christ Lumière en nos nuits. L’in-habitation de cette Présence transformatrice en nous, requiert le témoignage : « dire la vérité » (Jn 8,32) c’est la lutte contre le scandale du mensonge qui détruit ; « dire et faire » (Mt 23,3), un combat contre l’hypocrisie.
3.     L’annonce de l’Église : joie de vivre en Lui !

La joie du témoignage nous fait vivre en Lui et hâte en nous sa venue. Cette venue du Christ en nos cœurs, est un événement concret et gratuit de l’Amour de Dieu qui opère un monde nouveau, rénové en sa relation avec Lui, et dont la conséquence est une trame nouvelle de nos relations humaines. Cette venue est la joie de communion qui dans l’œuvre de l’Esprit, comme souligne Paul en deuxième lecture, transforme et fait vivre. Nous ne pouvons nous réaliser nous mêmes. Il faut prier sans cesse, rendre grâce et laisser l’Esprit du Christ qui fait être et mouvoir et vivre, agir en nous.

 

P. Chelbin Alfred Wanyinou HONVO, bibliste.



samedi 3 décembre 2011

OUVRIR SA VIE AU CHRIST… !


DEUXIÈME DIMANCHE DE L’AVENT (B)
COMMENTAIRE D’ENSEMBLE DES TEXTES
(Is 40,1-5.9-11/  2 P 3,8-14 / Mc 1,1-8)
Paorical photo.

L’amour de Dieu n’a jamais baissé d’intensité pour son peuple et pour chacun de nous. Il vient en nos déserts et nous donne l’assurance d’une vie nouvelle en Lui. De notre courage de conversion dépendent « les cieux nouveaux et la terre nouvelle ».

1.     Ne craignez, Je suis là…
Dieu renouvelle son « oui » à l’homme. Les infidélités ne détruisent pas pour toujours l’alliance. A son peuple, Il déclare sa volonté explicite de le « consoler ». Mais ce temps de consolation est temps de grâce offerte pour se détourner du mal. « Une voie crie : au désert, préparez la voie au Seigneur» (Is 40,3). Ce retour au désert et cette référence à l’exode est l’appel à un exercice de prise de conscience des misères et souffrances au milieu desquelles le Seigneur s’est montré Dieu de salut. Aussi justifie-t-elle la mission confiée au prophète de célébrer la mémoire des merveilles de cette libération et des promesses divines qui s’accompliront en la personne du Messie. Le salut passera par notre communion avec ce Messie Christ, que les écrits ultérieurs décriront tout aussi comme « Porte des brebis, Berger du troupeau »(Jn 10,7). En Lui Dieu manifeste sa victoire, « conduit son troupeau, rassemble les agneaux, les porte sur son cœur…» (Is 40,11)

2.     En Christ, Dieu vient en nos déserts…
Jésus-Christ est Celui qui vient porter l’œuvre de consolation à son terme accomplissant ainsi toutes les prophéties. En mettant ensemble Isaïe 40,3 ; Malachie 3,1 et Exode 23,20 au début de son évangile, Marc porte à comprendre une vérité fondamentale : la grâce de notre consolation et du salut est Christ. L’évangile est une personne, c’est le Christ, Fils de Dieu et voix du Père, celui qu’annonce tout l’Ancien Testament et dont Jean Baptiste proclame la venue.
Le mouvement suscité par le ministère du Baptiste est comme celui d’un exode à l’inverse. Non plus du désert vers Jérusalem (Judée) mais de Jérusalem au désert puis au Jourdain. Ne pourrions-nous pas y entendre là, Dieu nous dire que Jérusalem s’est pervertie et s’est éloignée de la foi ? N’y pourrions-nous pas découvrir un pressant appel à rompre avec le péché et toutes nos logiques de péché ? L’appel de Jean à la conversion et au baptême démontre qu’il nous faut vivre et repartir du désert lieu de mort et du mal pour une vie nouvelle. Repartir du désert où Dieu se révèle et fait don de sa Parole n’est possible qu’en Christ. Reprenant le Talmud, S. Carotta remarque que « dans le midbar (désert), Dieu se révèle medabber (Celui qui parle) ». La Parole de Dieu faite chair en Christ est source d’eau vive qui redonne vie à nos déserts de trahison de l’alliance, infidélités et trahison de la foi. Seule Christ, Parole de Dieu verbe et eucharistie, fait refleurir nos terres arides et tous déserts de solitude, d’amour et du mal qui germent en nous. Apprendre à « consommer » la Parole de Dieu, à laisser résonner sa force novatrice en nous et autour de nous, nous aide à faire de la vie de tous les jours, un avent d’attente et d’écoute, un temps de conversion pour un monde plus juste et plus beau.
3.     Voici le Temps de salut !
         
            La voie à préparer au Seigneur dans le désert est une métaphore de notre conversion faite d’accueil et d’écoute de cette Parole, Christ notre Vie et notre Résurrection. Jean le Baptiste en est un exemple. Avec lui, le temps de l’homme devient un espace sans cesse aménagé pour une nouveauté de vie en Christ dans l’Esprit. Notre temps et notre histoire – comme le remarque Pierre - cessent d’être banalement un chronos, ensemble successif d’événements qui passent et s’oublient pour devenir un kairos, semence d’éternité et temps de salut offert. C’est le temps de Dieu patient en ses desseins et respectueux de notre liberté qui nous propose de vivre selon les valeurs du Royaume à venir et nous veut collaborateurs de ce projet de salut.

P.  Chelbin Alfred Wanyinou HONVO, bibliste.

vendredi 2 décembre 2011

LAURENT GBAGBO A LA C.P.I, LES DEFIS D’UNE VRAIE JUSTICE




Le mardi 29 décembre 2011, l'ex-président ivoirien Laurent Gbagbo a été transféré à la Haye pour répondre des crimes contre l'humanité (meurtres, viols et violences sexuelles, persécutions)  retenus contre lui. D'un côté, les autorités actuelles de ce pays en voie de reconstruction assurent avoir respecté toute la procédure légale prévue en la circonstance. Les partisans de l'ex-chef d’État avancent plutôt l’idée d’un “hold-up politico-judiciaire” et suspendent, en représailles, toute participation au mouvement de  réconciliation nationale  à peine initié dans le pays. Ce développement de la situation ivoirienne était attendu et suscite quelques réflexions.

On pourrait se demander pourquoi cette docilité des nouvelles autorités du pays à la “communauté internationale” quand l'on sait par exemple, que la Libye, a refusé et obtenu la non-extradition de  Saïf-Islam, le fils de Kadhafi contre qui, pourtant, pèse un mandat d’arrêt international émis par le même tribunal. La réponse selon laquelle, le nouveau pouvoir ivoirien doit beaucoup à la communauté internationale n'est pas suffisante quand l'on sait que les nouvelles autorités libyennes ont “coûté” plus à ladite communauté internationale. Pour certains, l'approche des élections législatives prévues pour ce mois en Côte d’Ivoire, explique, en partie, l'extradition dans la mesure où la présence de l'ancien chef de l’État sur le sol ivoirien constitue un véritable problème politique pour les nouvelles autorités. Ne l'oublions pas, aux yeux d'une partie de la population, il incarne la “résistance” aux pouvoirs occidentaux. Pour d'autres, cette extradition conforte l'impartialité prônée par le nouveau pouvoir dans  le traitement des violences post-électorales en Côte d'Ivoire. En ce sens, la Cour Pénale Internationale de la Haye  paraît  une instance neutre, un “arbitre impartial” capable d'évaluer la responsabilité des uns et des autres. D'autres plus subtiles font état d'une manœuvre destinée à devancer une éventuelle décision de la cour de justice de la CEDEAO qui prendrait comme précédent, le cas de TANDJA l'ex-président du Niger, pour demander la libération de Gbagbo en attendant son procès pour les crimes économiques pour lequel son pays voudrait le juger.

Quel que soit le point de vue adopté ou l'angle d'analyse retenu, il importe, à notre avis, de reconnaître dans cet acte, l'inauguration de l'ère de la reddition des comptes. Le continent africain a trop souffert de ces amnisties décidées dans le but de préserver la paix sociale, effaçant d'un revers de la main des milliers de crimes de sang, sacrifiant ainsi sur l'autel de la réconciliation et de la paix, la justice qui est un élément non négligeable d’un vrai processus de paix. Cela sonnera comme un avertissement solennel pour les détenteurs du pouvoir politique sur tous les continents.

Deux défis demeurent cependant à relever : que la CPI fasse réellement un travail impartial. Des exactions auraient été commises par les deux camps lors des troubles. Si l'on prend le ou les responsables d'un camp, il ne faudrait pas qu'en face, l'on se contente de quelques « exécutants » ou menus « fretins » à sacrifier tendant à faire croire que lesdites violences sont des incidents isolés perpétrés par quelques brebis galeuses. Qu’on s’en tienne aux vrais responsables.  Le deuxième défi de crédibilité est que la CPI ne se contente pas seulement des violences qui ont émaillé le dernier scrutin présidentiel. Cela aurait été trop facile et manquerait de sens historique en participant à la baisse de confiance d’une bonne partie de l’opinion publique aux institutions internationales dites aux soldes de quelques pays qui voudraient s’ériger en gendarmes de la planète. Il faut, dans le souci d'un travail d'exorcisme du mal à sa racine, remonter au début des troubles en 2002, tant il est vrai, qu'une rébellion n'est pas une mince affaire dans un État souverain ayant des institutions et des textes régissant la vie politique. Qui a formé, armé et soutenu financièrement les rebelles d’alors durant leur longue conquête du pouvoir ? Ce travail de profondeur qui ne manquerait pas de gêner quelques intérêts est nécessaire si l’on ne veut pas se contenter d’une justice superficielle qui condamne les vaincus et ménage les vainqueurs comme l’histoire politique contemporaine en recèle.

Relever ces deux défis ferait comprendre  aux uns et autres que la violence ne devrait plus être envisagée comme  un moyen de conquérir ou de se maintenir au pouvoir. Le pouvoir doit servir la vie  et non la détruire. 

P. Eric Oloudé OKPEITCHA