dimanche 30 janvier 2011

OSE PRENDRE LE CHEMIN DE LA VIE NOUVELLE !

QUATRIÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (A)
COMMENTAIRE D’ENSEMBLE DES TEXTES
(So 2, 3 ; 3, 12-13/ 1 Co 1, 26-31 / Mt 5, 1-12a )


Le Royaume de Dieu est le critère fondamental de tous les choix du chrétien . Les Béatitudes que nous lisons ce dimanche, disent en clair que l’aventure avec Jésus-Christ est la dynamique d’une vie nouvelle qui nous met en marche vers la vie éternelle malgré les souffrances du temps présent. Certaines traductions dont celle d’André Chouraqui suggèrent de rendre le terme « Heureux» qui commence chaque béatitude, par l’expression « en marche », à partir du vocable hébreu. ("Heureux" en grec = "makarios". En hébreu "Ashrey" signifie à la fois "Heureux" et "être en marche "). Cette mise en marche est une quête permanente de Dieu et de sa Justice.

1. Cherchez le Seigneur et sa Justice !

Cet appel du prophète résonne en un moment difficile pour le royaume de Juda, surtout en sa capitale Jérusalem : les guerres assyriennes ont moralement, culturellement et économiquement affaibli le pays. L’infiltration des divinités assyriennes a accru les infidélités du peuple et de ses responsables. Les conflits de leadership suite à l’assassinat d’Amon ont lacéré la cohésion sociale. Son fils Josias est élu roi à 8 ans (2 R 22,2). Le culte du vrai Dieu et l’indépendance politique sont menacés. Pour Sophonie, cette situation est la conséquence de l’abandon de Dieu et de sa justice. Mais l’espoir n’est pas perdu. Avec Dieu tout renaît des cendres. La vie nouvelle est possible. Un peuple nouveau pauvre et humble, sera «le petit reste», le vrai « Israël de Dieu ». Il portera le flambeau de l’espérance du Salut. Seul avec Dieu il est possible de récupérer le passé perdu. Dieu prend la défense du peuple ou de l’homme qui s’humilie devant Lui pour emprunter le chemin de sa Justice. Il entreprend de pourvoir Lui-même à son bonheur.

2. Le bonheur, c’est l’avènement du Règne de Dieu

Aux versets 3 et 10, les béatitudes de Mathieu sont encadrés par l’expression « le Royaume des cieux est à eux » comme action prépondérante de Dieu qui récompense les « pauvres en esprit» et « les persécutés pour la justice ». « Pauvreté spirituelle» et « justice de Dieu » sont deux qualités importantes de l’identité nouvelle acquise par notre baptême. Elles nous rendent capables de correspondre à la volonté de Dieu, lutter contre l’arrogance et la présomption de vouloir nous sauver nous-mêmes. Ce sont des qualités spirituelles, qu’aussi bien le riche que l’indigent peuvent cultiver donnant à Dieu sa juste valeur et place. Elles aident à reconnaître nos limites humaines et à travailler au développement de notre société. Pauvreté et Justice expliquent mieux l’essentiel de l’engagement des chrétiens en ce monde : en pleurs ou affligés, la vraie consolation viendra du Christ doux et humble de cœur. A son école, notre appel à être doux pour hériter de la terre, devient une vocation à bâtir notre vie avec les autres dans un rapport d’amour. Une cité fondée uniquement sur les intérêts économiques est une société de crises permanentes qui finit par rendre la terre inhabitable. Un juste rapport avec les autres dans la lumière de la Parole de Dieu et sous la protection de sa miséricorde nous maintient dans le Christ, présence du Salut de Dieu. «Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain travaillent les bâtisseurs; si le Seigneur ne garde la ville, en vain la garde veille.» (Ps 126). La troisième partie de chaque béatitude souligne l’action bienveillante de Dieu. Ce bonheur n’est pas l’illusion d’une joie artificielle dont on peut se procurer à tous les coins de rue mais une joie, une félicité dont l’auteur est Dieu présent et agissant en nous. La motivation principale des béatitudes est la venue du Règne de Dieu, faire de nous le peuple en marche vers la félicité.

3. Considérer l’appel à devenir le peuple des béatitudes

L’initiative de Dieu est de nous arracher aux ténèbres de l’ignorance sans aucun mérite et privilège social de notre part : nous ne sommes ni nobles, ni puissants, ni savants. Notre élection par Dieu est surprenante et se pose en contradiction avec l’esprit de ce monde. Paul insiste à souligner que ce qui est sans aucune valeur en ce monde voilà ce qu’il a choisi pour confondre les savants du monde en leur logique mondaine. L’acceptation de la pauvreté, des persécutions, de l’affliction, de la pureté et la douceur en vue d’un monde de paix et fondé sur l’Amour de Dieu est une nouveauté. La force de cette nouveauté est dans le langage de la croix du Christ, chemin des béatiudes. Avec Lui, osons cette vie nouvelle.


Père Chelbin Alfred Wanyinou HONVO, bibliste.

jeudi 27 janvier 2011

Nos paroles et nos actions nous révélent.

L'homme croit parfois tromper les autres sur sa véritable identité. Mais il se leurre. Ces derniers le connaissent mieux que lui-même à partir de ses paroles et des actions; deux choses qu'il ne saurait éviter en entrant dans le monde des hommes.

" En agissant et en parlant les hommes font voir ce qu'ils sont, révèlent activement leurs identités personnelles uniques et font ainsi leur apparition dans le monde humain, alors que leurs identités physiques apparaissent, sans la moindre attivité, dans l'unicité de la forme du corps et du son de la voix. Cette révélation du "qui" par opposition au "ce que" - les qualités, les dons, les talents, les défauts de quelqu'un, qu'il peut étaler ou dissimuler - est implicite en tout ce que l'on fait et tout ce que l'on dit. Le "qui" ne peut se dissimuler que dans le silence total et la parfaite passivité, mais il est presque impossible de le révéler volontairement comme si l'on possédait ce "qui" et que l'on puisse en disposer de la même manière que l'on a des qualités et que l'on en dispose. Au contraire, il est probable que le "qui", qui apparait si nettement, si clairement aux autres, demeure caché à la personne elle-mème, comme le daimon de la religion grecque qui accompagne chaque homme tout au long de sa vie, mais se tient toujours derrière lui en regardant par-dessus son épaule, visible seulement aux gens que l'homme rencontre."

Hannah ARENDT, Condition de l'homme moderne,(1961), Paris, Calmann-Lévy, 1994, p. 236.

lundi 24 janvier 2011

Points d’ancrage culturels, le coup de génie des stoïciens sur le destin


C’est le stoïcisme qui va arracher définitivement au mythe le destin pour l’élever au rang de concept philosophique. Les pères du Portique, Zénon de Cittium et surtout Chrysippe de Tarse, érudit incontestable de son temps, dialecticien hors pair et auteur prolixe, vont constituer, à travers leurs œuvres, le destin en problème central de la philosophie. Ils sont à l’origine des Traité du destin promis à un bel avenir, vu le nombre d’auteurs qui en ont écrit. Comme tous les autres systèmes, à l’exception bien entendu de l’épicurisme, les stoïciens reconnaissent l’existence du destin. Mais ils vont plus loin en en fournissant les preuves rationnelles. Mieux, ils ont affirmé l’universalisation du concept : « Tout ce qui arrive, arrive par le destin » (1) dit Chrysippe dans le Traité du destin de Cicéron.

Si tout arrive par le destin, tout est donc déjà écrit et, par conséquent, l’effort humain est inutile. Nos investigations nous ont permis de comprendre la réponse des stoïciens à cet épineux problème, à travers Chrysippe qui a montré que le déterminisme universel du destin n’exclut pas l’action humaine à partir de la notion des faits con-fatals. Ce célèbre passage de Chrysippe explique bien la notion de faits con-fatals : « Il y a en réalité des assertions isolées et des assertions liées ensemble. Voici une assertion isolée : « Socrate mourra tel jour » ; qu’il ait fait telle chose ou qu’il ne l’ait pas faite, le jour de sa mort est déterminé. Mais si le Destin porte qu’Œdipe naîtra de Laïus, on ne pourra dire : « soit que Laïus ait eu des rapports avec une femme, soit qu’il n’en ait pas eu » ; car l’événement est lié et « con-fatal » ; ainsi le nomme –t-il ; car le Destin porte et que Laïus aura des rapports avec sa femme et qu’il procréera Œdipe … « Que tu aies appelé ou non un médecin, tu guériras », c’est là un sophisme ; car il est autant dans ton Destin d’appeler un médecin que de guérir ; ce sont des choses, je l’ai dit, que Chrysippe appelle con-fatales. » (2)

Ce dernier a aussi distingué les causes auxiliaires (représentations sensibles, données existentielles) et les causes parfaites, (les jugements de l’homme), illustrées par l’analogie du cylindre et du cône. « Chrysippe revient à son cylindre et à son cône qui ne peuvent commencer à se mouvoir s’ils ne sont poussés ; mais, l’impulsion donnée, c’est, pour le reste, par sa propre nature que le cylindre roule et que le cône tourne. De même, dit-il, que, en poussant le cylindre, on lui a fait commencer son mouvement, mais on ne lui a pas donné la propriété de rouler, de même la représentation imprimera, certes, et marquera sa forme dans l’âme, mais notre assentiment sera en notre pouvoir ; poussé de l’extérieur, comme on l’a dit du cylindre, il se mouvra par sa force propre et par sa nature. » (3) Ce sont les causes parfaites qui déterminent l’action ou la réaction humaine ; d’où l’absolue responsabilité de l’homme. Le déterminisme universel des stoïciens diffère fondamentalement du nécessitarisme comme du fatalisme au sens commun du terme. Et c’est en ce sens qu’il sauvegarde la liberté de l’homme à travers l’exercice de ses jugements, la possibilité de marquer des progrès sur le plan moral, le consentement au destin qui n’a pas de commune mesure avec une quelconque passivité : « Ne demande pas que ce qui arrive, arrive comme tu veux. Mais veuille que les choses arrivent comme elles arrivent, et tu seras heureux » (4) résumera Epictète. Et enfin, nous avons l’impassibilité qui résume les vertus. Cette prise de position pour la responsabilité et la liberté humaines des stoïciens trouvera un écho favorable tout au long de l’histoire de la pensée surtout avec les courants existentialistes.


(1) CICERON, Traité du destin, X, 21.
(2) CICERON, Traité du destin, XII, 28-29
(3) CICERON, Op. cit., XVIII, 42, - XIX, 43
(4) EPICTETE, Manuel, VIII.

Humilité et Simplicité du Royaume de Dieu !

TROISIÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (A)
COMMENTAIRE D’ENSEMBLE DES TEXTES
(Is 8, 23b–9, 3/ 1 Co 1, 10-13.17 / Mt 4, 12-23)


Le Royaume de Dieu n’est pas de nature politico-militaire. Il vient et nous rejoint dans la grande simplicité et humilité. Humilité et simplicité, sont deux vertus humaines qui s’opposent à l’orgueil, à l’égoïsme et à tous autres « désirs de la chair» (Gal 5,16), où l’homme veut paraître plus qu’il est ou qu’il a. Ce sont deux dispositions spirituelles qui peuvent nous aider à vivre les textes de ce dimanche pour mieux entrer dans la dynamique du programme de la mission de Jésus : «convertissez vous, car le Royaume des cieux est tout proche.»

Galilée, symbole d’humilité et d’universalité

L’annonce du Règne de Dieu est liée à la Galilée. Personne ne pouvait le croire. Symbole du paganisme et de l’obscurantisme spirituel par rapport à la Judée plus zélée pour la loi, c’était une région humiliée par les nombreuses déportations assyriennes (732 av. J-C). Elle ne peut jamais espérer être la terre du Messie. Et voici Isaïe qui annonce pour elle un avenir radieux, un jour glorieux de libération. En effet, Marie y a conçu l’Enfant-Dieu libérateur de la nuit du péché et de la mort. Le Sauveur y a vécu, y a prêché. De la Galilée partira plus tard, l’annonce de l’évangile après la résurrection du Christ pour tous les peuples de la terre. Du sombre pays part désormais la Lumière qui éclaire le monde, Jésus-Christ. Le Royaume de Dieu défie nos considérations humaines et nos apparences. Dieu se donne dans l’humilité et la pauvreté de ceux qui savent l’accueillir. Il est là où on ne l’attend pas. La Galilée devient ainsi symbole de l’humilité de Dieu qui rompt avec le particularisme d’Israël et affirme l’universalité de sa mission.

Je ferai de toi pêcheur d’hommes : Dieu croit en l’Homme !
Jésus appelle les quatre premiers disciples et les associe à l’édification de son Règne ici bas. Il se rend proche des hommes et des femmes. Cette proximité du Royaume de Dieu signifie qu’il n’est pas lié au temps. Il est éternellement présent en la personne du Christ qui sans cesse se montre Dieu-avec-l’homme. A cette œuvre de salut, Il continue de nous appeler, femmes et hommes d’aujourd’hui. Dieu croit en nous. C’est le mystère de l’incarnation, mystère de la confiance en l’homme qui, d’une manière ou d’une autre, continue de se dévoiler en douceur et dans la grande simplicité : « venez à ma suite, et Je vous ferai pêcheurs d’hommes » (Mt 4,19). L’évangile précise qu’à cette invitation du Seigneur, « aussitôt, laissant leur filet, ils le suivirent.» La rencontre avec Dieu crée l’extraordinaire et brise nos habitudes de tous les jours. La nouveauté de la lumière de Dieu entre en nos vies et chasse les ténèbres du vieil homme. Devenus ses collaborateurs par notre baptême et/ou par vocation spéciale, c’est à nous de le rendre visible au monde entier. Pour le voir et le faire voir, la conversion est la seule condition qui s’impose : une transformation de soi à vivre dans la lumière de l’Esprit non plus selon la logique de ce monde qui passe mais par rapport à l’absolu de Dieu. La sequela du Christ rompt aussi le modèle pédagogique en vogue en Palestine du temps de Jésus. Le disciple, c’était celui qui répète et copie le maître. Avec Jésus, le disciple devient celui qui librement entre en communion avec son Maître.

Rien d’autre que la communion avec le Christ

Quand cette communion avec le Maître vient à manquer, naît le clientélisme autour d’une autorité ou d’un chef ecclésiastique au détriment du Christ le seul qui fait l’unité de la communauté et la croissance du Règne de Dieu dans les cœurs. En deuxième lecture, Paul affronte cette tendance -malheureusement présente encore aujourd’hui- et nous ouvre à la perception du Christ comme unique centre de gravité et énergie de l’Église. Le nom du Christ invoqué en 1 Co 1,10 se pose en antithèse aux noms d’apôtres ou de disciples évoqués au v. 12. Seule la relation avec le Christ définit l’identité du chrétien et sa pleine appartenance à la communauté. Personne dans l’Église, ne peut et ne doit revendiquer l’exclusivité d’un quelconque rapport ou privilège plus que d’autres. Le faire, c’est fractionner la communauté et réduire le Christ à un quelconque leader humain. Laissons-nous provoquer par l’humilité et la simplicité de Dieu.

Père Chelbin Alfred Wanyinou HONVO, bibliste.

mardi 18 janvier 2011

Le destin dans quelques courants philosophiques de l'Antiquité

Les grandes affinités du destin avec le mythe expliquent la réprobation de la conception superstitieuse du destin dans le Gorgias (1) par Socrate.
Le platonisme
Platon recourra aux mythes
pour aborder ce sujet dans quatre de ses dialogues. (2) L’Académie répond par l’affirmative à la question de l’existence ou non du destin. Une lecture croisée de ses mythes pose l’heimarménè comme l’expression de la justice cosmique, la loi divine theios nomos et eschatologique qui proportionne le sort de l’homme à sa valeur morale en l’élevant ou en le dégradant dans l’échelle des êtres selon qu’il a fait preuve de justice ou d’injustice au cours de son existence. L’âme humaine se trouve devant un choix : ou l’assujettissement au monde sensible marqué par le destin ou la liberté dans l’effort pour intégrer le monde intelligible dont l’ascension graduée passe par la vertu, la contemplation et la vision.
L’aristotélisme
Quant à Aristote, il admet l’existence du destin qu’il identifie à la Physis, à la Nature. (3) Cette identification répond aux deux sens du mot « Nature », d’abord l’universel (cosmos) et ensuite le particulier (essence). L’heimarménè selon le Lycée est borné par le hasard ; l’art et l’activité raisonnée peuvent modifier son cours.
L’épicurisme
L’épicurisme marquera une originalité
en répondant par la négative à la question de l’existence ou non du destin. En effet, de tous les systèmes philosophiques de l’antiquité, seul l’épicurisme a nié l’existence du destin au nom de la liberté et d’un hasard différent de celui d’Aristote. Epicure aurait même rédigé un Traité du destin (4) qui ne nous est malheureusement pas parvenu. Le seul passage un peu clair sur le destin dans l’œuvre d’Epicure est la péroraison de la Lettre à Ménécée qui résume avec vigueur la méthode épicurienne pour atteindre le bonheur en dressant de façon splendide le portrait du sage libéré de tout préjugé et de toute croyance superstitieuse. « Qui, alors, estimes-tu supérieur à celui qui a sur les dieux des opinions pieuses , qui, à l'égard de la mort, est constamment sans crainte, qui s'est rendu compte de la fin de la nature, saisissant d'une part que la limite des biens est facile à atteindre et à se procurer , d'autre part que celle des maux est ou brève dans le temps ou légère en intensité, qui se moque de ce que certains présentent comme le maître de tout, le destin… mieux vaudrait, en effet, suivre le mythe sur les dieux que de s'asservir au destin des physiciens… » (5)
Comme nous le voyons bien, les diverses écoles philosophiques de l’antiquité ne sont pas unanimes sur la question du destin. Mais par rapport aux courants sommairement abordés, le stoïcisme marquera un coup de génie…/…

(1) PLATON, Gorgias, 512 e
(2) Il s’agit des mythes suivants : Le Timée (41 e), La République (X 617 c-619 c), Le Phèdre (248 c-e) et Les Lois X, 904 c). Les trois premiers constituent les fondements scripturaires du « fatum platonicum » ou les textes fondateurs de la doctrine de l'Académie sur le destin.
(3) ARISTOTE, Physique, V, 5, 230a 32
(4) Diogène LAERCE, Vies et opinions des illustres philosophes, X, 28.
(5) EPICURE, Lettre à Ménécée in Lettres et Maximes, trad. Conche, nouv. éd., Paris, P.U.F, 1987, p. 225.

dimanche 16 janvier 2011

Honneur et Bonheur du témoignage !

DEUXIÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (A)
COMMENTAIRE D’ENSEMBLE DES TEXTES
(Is 49, 3.5-6 / 1 Co 1, 1-3 / Jn 1,29-34)

Dimanche dernier, en descendant dans les eaux du Jourdain, Jésus a détruit le péché pour nous libérer des ténèbres du mal et de la mort. Il fait ainsi briller sur l’humanité, la Lumière de sa divinité. En son Baptême, le baptême de chaque chrétien porte le germe de l’éternelle puissance du salut de Dieu agissant ici, maintenant et toujours en nos vies humaines. Cette communion à la vie divine fait de nous, peuple de Dieu, nouvel Israël et serviteur de son Amour.

1. Tu es mon Serviteur, en toi Je me glorifierai

Dans la lecture d’Isaïe (deuxième chant du Serviteur), Israël est nommément invité à une mission. Cette mission est universelle qui consiste à être lumière révélatrice de cet Amour libérateur de Dieu à tous les peuples de la terre : « c’est trop peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les survivants d’Israël. Je fais de toi la lumière des nations». L’honneur est une charge dit-on. La charge ici, n’est pas une corvée. C’est un service joyeux de partage de la grâce de salut avec les autres. Le nom Israël, démonstration de la force de Dieu (Gn 32) que nous portons désormais en nous, suggère déjà le contenu de notre identité et vocation. Retenons cependant que le Serviteur par excellence c’est le Christ, Gloire de Dieu, l’Emmanuel, Dieu-avec-nous. En Lui Serviteur et Lumière, nous devenons serviteurs de cette nouveauté du salut et portons le flambeau du témoignage dans le monde de ce temps.

2. Le témoignage de Jean Baptiste

Le mystère de la révélation de Dieu que Jean le Baptiste a vécu au baptême délie sa langue. Lui qu’on n’avait jamais vu si prolixe, parle et témoigne que Jésus est en personne, le Règne de Dieu présent au milieu de nous. Il est le Fils de Dieu, le Sauveur: « j’ai vu et je témoigne… » (Jn 1,34). Son témoignage se résume à quelques éléments essentiels dignes de méditation. Il atteste que Jésus est « le Fils de Dieu » celui qui « baptise dans l’Esprit ». Il l’indique comme « l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Attention ! Jean ne dit pas «…qui enlève les péchés de monde ». Au pluriel, l’expression se rapporte à Israël dans sa singularité (Jr 31,34 ; Ez 36,25). Le sacrifice de Jésus est par contre destiné à effacer le mal qui afflige le monde, qui atteint tous les hommes de tous lieux et de tous les temps. Dans toutes les religions où on parle de sacrifice, l’agneau est presque toujours le symbole de l’innocence et donc approprié pour le sacrifice expiatoire. Le christianisme au contraire, est l’unique “religion” où Dieu en son Fils s’offre comme Agneau. Le Christ, Dieu-Agneau a été immolé sur la croix pour vaincre le péché, le mal. Cependant, la force de ce témoignage ne tient pas seulement aux éléments essentiels de foi en Jésus qu’il souligne sinon à l’importance que le Baptiste donne au “Temps.” Son discours est bien rythmé par ce qu’il connaissait de Jésus et ce qu’il en connaît maintenant. Un “avant” où on le connaissait superficiellement ou pas du tout, mais surtout un “après” qui est l’actualité de la présence du Fils de Dieu dans le temps chrétien (hier, aujourd’hui et toujours). La capacité à tenir présent et vivant Jésus-Christ en sa vie est le premier pas vers le témoignage (témoignage = martyre). La flamme de la foi de Jean fait découvrir l’honneur de la joie du service de Dieu et le bonheur du témoignage. Ce bonheur, c’est notre appel à la sainteté.

3. Saints par vocation

Au jour de notre baptême, Dieu dit comme autrefois: « en toi je me glorifierai » (Is 49,3). Il nous unit à la vie du Christ son Fils. Cet honneur crée et entretien la communion avec Lui. Ainsi, nous avons part à sa sainteté. Mais nous ne sommes saints qu’en Christ. Si le centre de gravité du témoignage du Baptiste est la personne du Christ, c’est dire que c’est en Lui que Dieu rejoint l’homme et que l’homme rejoint Dieu. Notre appel à la sainteté passe 3 éléments: être en Eglise, se reconnaître en Christ et être en relation avec Lui. Ces conditions authentifient notre témoignage, notre martyre.

Père Chelbin Alfred Wanyinou HONVO, bibliste.

samedi 15 janvier 2011

La violence pour la futilité et l'éphémère

En ces moments de troubles, où l'homme se laisse tenter à nouveau par le recours à la violence comme moyen de parvenir à sa fin, ces lignes d'Hannah Arendt, philosophe juive, nous paraissent assez suggestives.

Aussi spectaculaire soit-elle dans son déploiement, la violence n'engendre que la futilité et ne construit que l'éphémère :

"La violence peut détruire la puissance, elle ne saurait la remplacer. De là résulte la combinaison politique, nullement exceptionnelle, de la violence et de l'impuissance, armée d'énergies impotentes qui se dépensent d'une manière souvent spectaculaire et véhémente, mais dans une futilité totale, ne laissant ni monuments ni légendes, à peine assez de souvenirs pour figurer tout au plus dans l'Histoire."

Hannah ARENDT, La condition humaine (1961), Paris, Calmann-Levy, éd. Pocket, 1994 p. 262

mercredi 12 janvier 2011

Points d’ancrage culturels, la conception du destin…..(1)

Ce premier article sur le sujet du destin nous permet de comprendre en une vision panoramique comment il a été toujours au cœur des préoccupations de l’homme. Une manière d’élargir l’horizon de notre réflexion sans nous prendre pour les premiers venus sur un terrain désormais très vieux.
L’homme se distingue de façon notoire des autres êtres qui peuplent le cosmos par la raison. Cette faculté lui confère entre autres, le privilège de réfléchir sur le sens de son existence. Et quand il lui arrive de remonter le cours de son histoire pour interpréter son avenir à l’aulne des éléments que lui fournit le présent, il se heurte de manière frontale à une question : « Tout est-il déjà écrit pour moi ou devrai-je écrire au jour le jour les lignes de mon histoire ? ». A cette double interrogation, les réponses varient, déterminant une certaine conception de l’homme aux prise avec le destin. Dans cet article, nous prendrons fait et cause pour la conception du destin dans les représentations mythiques et dans l’astrologie, deux domaines toujours fonctionnels dans l’imaginaire collectif.
Le destin dans les représentations mythiques
Le premier cadre d’exposition et de traitement du problème du destin est le mythe. La plupart des mythes des différentes civilisations révèlent la croyance en la prédestination du cours des événements par des puissances occultes et mystérieuses fastes ou néfastes, incarnant la malice ou la justice. On pourrait dire sans exagération aucune que le mythe du destin constitue une constante anthropologique et interculturelle. Des grecs aux africains en passant par les asiatiques, on rencontre plusieurs mythes traitant du destin qui marque de son sceau implacable la vie des hommes. On pourrait évoquer le mythe d’Œdipe chez les Grecs ou celui des « Ori » (1 ce mythe sera énoncé dans l’article sur la conception africaine du destin) chez les yoruba du Sud-Bénin (Afrique de l’Ouest)… Ces mythes, de façon constante, présentent l’homme aux prises avec une force surnaturelle ou avec les dieux qui l’entraînent malgré lui dans une direction qu’il n’a pas choisie et parfois contre laquelle, il se bat sans succès. Tout porte alors à croire, qu’ à un instant précis, les dieux ont tout décidé sur la vie des hommes en partance vers le monde et nul ne saurait échapper à son destin. Longtemps demeuré dans les représentations mythiques, le destin en sortira progressivement à l’époque impériale et dans l’antiquité tardive.
Le destin dans l’astrologie
A cette époque en effet, l’astrologie qui est une invention babylonienne va gagner progressivement le monde méditerranéen jusqu’à s’imposer comme l’élément central de la représentation du monde. Elle fait dépendre le destin de l’homme de la position et de l’interaction des astres, des planètes et des corps célestes. C’est déjà, on est tenté de le penser, un peu plus « scientifique » qu’à l’étape précédente. On distingue l’astrologie généthliaque, judiciaire, almanaquiste ou horoscopique. Schématiquement, l'astrologie généthliaque établit des thèmes astraux: elle fait dépendre la destinée de l'individu de la position des astres au moment de sa venue au monde. Ses prévisions couvrent en général l'existence. L'astrologie judiciaire, pour sa part, prend fait et cause pour les cas de choix pratiques. Elle opère des prévisions au jour le jour. L'astrologie almanaquiste, enfin, établit des prévisions à l'année (les almanachs). L'astrologie horoscopique établit des horoscopes, c'est-à-dire des prévisions à la semaine.) Elle a connu des fortunes diverses au cours de l’histoire. Eradiqué systématiquement des consciences européennes par le christianisme des premiers siècles, le destin astrologique réapparaît au XIè siècle par le truchement des astrologues arabes. Elle sera encore mise en veilleuse à nouveau par l’essor du cartésianisme et du newtonianisme au XVIIè siècle, pour resurgir au XVIIIè siècle avant de reprendre un nouvel essor aux lendemains de la première guerre mondiale.
Il demeure présent et prégnant dans notre société actuelle. En effet, beaucoup - et pas des moindres - ne démarrent pas leur journée, n’entreprennent pas des activités importantes ou décisives de leur vie, sans avoir consulté les prévisions de l’horoscope.

samedi 8 janvier 2011

Dimanche 9 janvier : baptême du Seigneur




Is 42, 1-4.6-7; Sal 28; Ac 10,34-38; Mt3, 13-17.
Aujourd’hui, nous célébrons le baptême de Jésus. Et la finale de l’Evangile nous dit : « Dès que Jésus fut baptisé, il sortit de l’eau ; voici que les cieux s’ouvrirent, et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et des cieux, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j’ai mis tout mon amour. »Après l’intervention de l’Esprit sous forme de colombe, Dieu le Père parle pour authentifier la vraie identité de Jésus. Il le fera encore à la Transfiguration à quelques jours de la passion.
Mais ce qui doit nous combler de joie, c’est qu’au jour de notre baptême, Dieu a redit sur chacun de nous : « Tu es mon fils bien-aimé ! » nous définissant ainsi une identité nouvelle et nous installant dans la dignité d’enfant à l’image de son Fils unique, le Christ. Soyons donc fiers d’être enfant de Dieu.
Jeune chrétien africain,
Ne laisse pas les tentations de ce monde éteindre la flamme de la foi reçue le jour de ton baptême, ni t’éloigner de ta famille, l’Eglise qui t’ a accueilli avec joie, ce jour-là.
N’oublie pas que, par l’onction du Saint-Chrême,
tu es prêtre, appelé à célébrer par ta vie et ta prière, les louanges de Dieu.
tu es prophète, appelé à témoigner, au prix de mille persécutions, de la vérité et de la lumière, en toutes circonstances, dans un monde où dominent les ténèbres du mensonge et du péché ;

tu es roi, appelé à régner avec le Christ après avoir souffert avec lui pour établir son Règne ;

Jeune chrétien africain, sois fidèle à l’Esprit de ton baptême.

Points d’ancrage culturels, le respect de la vie

Plusieurs écrits ou travaux de recherches soulignent, à juste titre, le respect de la vie par l’africain. Les divers rites marquant la naissance, l’initiation, le mariage et même la mort d’une personne, montrent combien l’africain est attaché à la vie qu’il essaie de protéger et de défendre. La naissance d’un enfant est tout sauf un acte banale. Depuis la grossesse, la future mère est l’objet de soins particuliers de la part de l’entourage à travers soins et interdits visant à favoriser une croissance normale du bébé. A titre d’exemple, il est interdit à une femme enceinte de pleurer ou de proférer des malédictions. Nos ancêtres, sans avoir fait de la psychologie, croyaient déjà à l’ éventuel impact des sentiments négatifs de la mère sur le bébé. Le nouveau-né est attendu par toute la collectivité qui marque un arrêt pour l’accueillir et lui souhaiter la bienvenue. Les prières et les chants qui meublent la cérémonie de sortie visent à lui assurer une existence paisible. Les autres étapes de la vie (initiation, mariage…) sont aussi célébrées avec faste pour magnifier la vie qui croît à petits pas dans l’enfant. Ce disant, par objectivité, nous ne saurions ignorer les travers de l’Afrique traditionnelle en ce qui concerne le respect de la vie.
Les enfants mal formés
Ainsi, l’on pourrait trouver à redire sur certains moyens utilisés pour défendre la vie. C’est le cas par exemple, du sacrifice de certains enfants nés avec des déformations. De toute évidence, l’africain n’accomplissait pas cet acte par un vilain plaisir de répandre le sang. Il voulait avant tout, protéger la société des malheurs dont était porteuse une naissance si bizarre qui défiait les normes ordinaires. Il voulait retourner aux dieux leur envoyé qui n’était, en aucun cas, destiné à la société des hommes, sinon venu simplement porter un message ou réclamer des sacrifices. Le meurtre de ces enfants ne relevait pas du jeu et suivait des rituels précis.
Les sacrifices humains
Il en va de même des sacrifices humains effectués ponctuellement dans certaines régions pour honorer certaines divinités. Ils n’étaient pas accomplis pour le bien-être d’une seule personne ou d’une famille mais pour conjurer un malheur qui menaçait toute la société. Et dans ce cas, le cap des poulets, des cabris et des bœufs est déjà dépassé par l’ampleur des événements. Il faut alors le sang humain plus précieux que celui des animaux. Etaient généralement sacrifiés les esclaves ou prisonniers de guerre, « étrangers » à la collectivité. Là encore, des mesures étaient prises pour entourer du mystère l’événement qui avait généralement lieu dans la nuit profonde, au fin fond des forêts sacrées, accessibles aux seuls initiés. Une manière d’éviter la spectacularisation de la violence pourtant réelle dans ce cas.
Les funérailles royales
Un autre travers réside dans le rituel des funérailles royales. Plusieurs témoignages écrits ou oraux font état de reines enterrées vivantes (généralement droguées) pour accompagner dans l’au-delà le roi défunt. Nos recherches, sur ce point, nous ont révélé que ces reines se portaient volontaires. Ce qui révélait à tous, leur amour pour le roi défunt et en même temps, traduisait leur volonté de ne pas passer dans « une autre main » après le veuvage qui ne manquait pas d’austérité. Elles préféraient partir avec le roi dans l’espérance d’être avec lui dans l’au-delà conçu selon les paramètres de ce monde-ci. Il y avait aussi des esclaves qui étaient désignés pour accompagner le roi dans le grand voyage. Ces derniers étaient censés continuer à jouer leur rôle dans le monde des ancêtres.
Si les mobiles des travers énumérés jusqu’ici paraissent nobles, les moyens ne sont pas éthiquement valables que ce soient les enfants mal formés, les esclaves ou prisonniers de guerre, les reines volontaires ou les esclaves désignés. Ces pratiques sont aujourd’hui bannies même si dans certaines sociétés, il y a des résistances.
L’avortement, un interdit par rapport à la vie elle-même
Exception faite de ces travers, l’africain a un profond respect de la vie et considère comme un interdit passible de sanctions des dieux à vie en cas de violation, le meurtre sous toutes ses formes. S’il y avait des interdits familiaux, claniques, sociaux, ou religieux, le meurtre relevait d’interdit par rapport à la vie elle-même, conçue comme mystère et œuvre des dieux. Le meurtre était une violation de la vie et donc, une offense faite directement aux dieux qui ne manqueraient pas de punir. Or la forme de meurtre la plus répandue au sein de la jeunesse africaine aujourd’hui est l’avortement. C’est dire donc qu’un jeune africain qui utilise l’avortement comme un remède à ses désordres sexuels trahit profondément son âme africaine et ne peut espérer une vie paisible. Le taux d’avortement en milieu scolaire est aujourd’hui en nette hausse. Et cela n’augure pas de lendemains heureux pour toute une génération qui s’amuse à piétiner la vie naissante jugée sacrée en terre d’Afrique. La promotion de l’avortement comme stratégie de réduction de la population et par conséquent de la pauvreté, est contraire aux valeurs de la société africaine. Si, sous d’autres cieux, l’avortement est en passe de devenir un banal droit de la femme, il ne serait, en aucun cas, porter ce nom en Afrique.
Voilà un point d’ancrage culturel, un repère à ne jamais perdre de vue, pour un jeune africain dans la pensée comme dans l’action : le respect de la vie à toutes les étapes de son évolution. Sur ce terreau culturel vient résonner l’appel de la religion « tu ne tueras pas ».

dimanche 2 janvier 2011

Contemplons les rois mages !

2/1/11. Dimanche de l'Epiphanie
Matthieu 2,1-12
En ce dimanche de l’Epiphanie, contemplons dans l’évangile la démarche des rois mages.
Les mages
Partis d’Orient, les mages ont parcouru des kilomètres
à dos de chameau suivant un signe découvert dans le ciel et dont ils avaient interprété le sens comme annonciateur de la naissance d’un grand personnage. Jeune africain, tu pourrais te laisser séduire par la passion de la recherche qui a caractérisé ces mages. La jeunesse est un temps d’accumulation d’expériences et de savoirs très utiles pour le reste de la vie. Les grands hommes d’aujourd’hui n’ont pas sacrifié leur jeunesse sur l’autel du désordre, de l’indiscipline et de la paresse.
L’étoile
L’étoile pourrait symboliser la présence de Dieu dans notre vie, la foi qui nous guide. Et parfois, les difficultés de la vie viennent l’éclipser, nous plongeant dans les ténèbres du découragement, du doute, de l’affadissement et de la tiédeur spirituels. Toi jeune africain à qui la vie inflige déjà des coups qui te confinent au désespoir, regarde les mages et comme eux, continue la route dans la foi. L’étoile réapparaîtra sûrement et ta joie sera grande.
Aux pieds de Jésus
Arrivés malgré les difficultés de la route à Bethléem, ils se prosternèrent aux pieds du petit enfant couché dans la mangeoire, lui offrirent des présents : or, myrrhe et encens. Ils ont reconnu dans ce petit enfant le Fils de Dieu et ils lui ont offert des présents dignes de son rang.
Jeune africain, offre à Jésus ton cœur, présente-lui jour à après jour des prières, mène une vie digne de celui qui t’a aimé et qui, pour toi, s’est fait homme.
Leur pays par un autre chemin
Les mages ont été transformés par cette aventure. Ils sont repartis dans leur pays par un autre chemin, probablement plus court et peut-être plus facile. Jeune africain, si tu donnes ta vie à Jésus, si tu lui offres le sacrifice d’une vie exemplaire, tu seras renouvelé et autour de toi, tout changera, tout sera paix, joie et lumière.

samedi 1 janvier 2011

Une année de paix par le saint Nom de Dieu


1er JANVIER 2011 – SAINTE MARIE MÈRE DE DIEU
COMMENTAIRE D’ENSEMBLE DES TEXTES
(Nb 6,22-27 / Gal 4,4-7 / Lc 2,16-21)

Au premier janvier du calendrier grégorien, huitième jour après la naissance de l’Enfant-Dieu, nous nous mettons de manière particulière sous la bienheureuse protection de Sainte Marie la Mère du Christ, Mère de Dieu (Sub tuum praesidium confugimus). En Elle, nous découvrons la nécessité de remettre Dieu au centre de notre vie. La liturgie de ce premier jour conventionnel du nouveau cycle civil de l’année, n’a d’autre but que de mettre notre temps sous le mystère de l’Incarnation. Si l’homme a eu l’intelligence de codifier, de structurer et de rythmer le temps par le calendrier, encore faudra-t-il, qu’en Jésus-Christ Dieu incarné dans les contingences du temps et de l’histoire, il apprenne aussi considérer les réalités divines invisibles et se laisser transfiguré par elles. Les lectures bibliques de ce jour nous y aident.

...Ils invoqueront mon Nom (YHWH) sur les fils d’Israël

La première lecture est une formule officielle de bénédiction née en contexte de culte. Elle est utilisée à la fin de chaque liturgie du sacrifice et lors des solennités dont aussi la fête de la nouvelle année (Rosha Hashana = commencement de l’année). En nous faisant voir la nécessaire médiation du sacerdoce, elle exprime la foi du peuple en Dieu l’unique et indique le sanctuaire comme lieu privilégié de la rencontre et de la réconciliation avec YHWH (le Seigneur). A partir de ces deux derniers éléments, sanctuaire et sacerdoce, le peuple vit constamment conscient que Dieu est le cœur de sa vie. Vider Dieu ou le mettre Dieu de côté, la vie en ses multiples aspects ne réussirait pas : « si YHWH ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs; si YHWH ne garde la ville, en vain la garde veille » (Ps 127,1). La félicité personnelle, familiale et nationale… viennent de l’accueil de YHWH comme unique Sauveur. « Invoquer (mettre ou apposer) le Nom de Dieu » est une expression consacrée par laquelle on désigne les faveurs ou les grâces divines dont bénéficie celui ou celle sur qui 3 fois, le Saint Nom de Dieu est prononcé. Par cette triple évocation s’opère la présence agissante et bienveillante de Dieu dans la vie de son peuple rassemblé ou dans la vie du fidèle croyant. Dieu « montre son visage », Il se fait présent et sa présence devient source de tout bien. Celui a qui Dieu « montre son visage » (aussi Ps 4,7 ; 31,17 ; 80,4.8.20) est celui qui vit en Dieu et est protégé par lui. En même temps qu’elle nous fait voir l’âme de tout un peuple, cette prière de révèle la proximité de Dieu. Il est l’« Emmanuel », le « Dieu-avec-nous », le Dieu qui nous sauve.

Quiconque invoquera son Nom, sera sauvé (Ac 2,21)

Suite à la parole de Dieu communiquée par l’ange, les bergers se sont pressés d’aller à Bethléem comme Marie visitant sa cousine Elisabeth (Lc 1,39). La grâce de la connaissance de l’Enfant-Sauveur remplit leur cœur. Ils deviennent à leur tour, annonciateurs de cette «grande joie » (Lc 1,10) du salut incarné, et messagers de la révélation reçue. Ceux qui les écoutèrent, s’étonnèrent parce qu’une aussi grande merveille suscitait questionnements, réflexion et méditation qui en recherchent le sens ; aussi, à cause de la transformation et la vie nouvelle que déjà provoquait cet évangile vivant annoncé par ces pauvres gens. La parole de Dieu dans le cœur et la bouche de ces pasteurs, inondait de joie et de force leurs auditeurs. Le silence de Marie est un silence qui vit le mystère divin dans le secret du cœur et laisse l’intelligence illuminée par lui pour en recueillir l’unité de sens et de signification (sens étymologique du verbe grec utilisé : mettre ensemble). Ainsi se déploie la puissance du verbe incarné dont son Nom (Jésus= Dieu Sauve) se trouve être le programme (Nomen est omen). Par ce Nom investi de la puissance de l’Eternité, c’est Jésus le Christ lui-même qui transforme notre temps humain et rythme nos jours vers la plénitude du salut. En Lui, Dieu nous dévoile sa face et nous comble de tant de libéralités. Il nous délivre des multiples servitudes de ce monde contingent et fait de nous fils et héritiers de sa gloire.

Tu n’es plus esclave mais fils

La prière de bénédiction et le Nom donné à l’Enfant-Dieu, donnent un avant-goût du plan divin de notre salut. Dans son initiative de nous sauver, Dieu accepte volontiers de « naître d’une femme» (Jb 14,1) et de devenir « sujet à la loi»; autant de langages bibliques qui traduisent la fragilité humaine et la grande humiliation dans laquelle est entré Dieu (Kenosis Ph 2,7). Il revêtit notre fragilité pour nous libérer de tout ce qui retient captif du péché, nous communier à sa vie divine et nous fait participer à la vie filiale du Christ dans l’Esprit. L’un des grands messages du mystère de Noël, est qu’en Christ, la grâce de la filiation divine nous est communiquée, transmise (inoculée). Cette filiation divine met fin à notre désordre et notre esclavage passés. L’avenir ne nous fait plus peur. Commencer une nouvelle année avec le saint Nom de Jésus-Christ, c’est laisser Dieu prendre les devants pour ouvrir le chemin, laisser sa présence, son Esprit inspirer nos actions. Ainsi, nous vivrons les événements de 2011 à l’exemple de la Vierge Marie, dans un silence agissant, un silence de foi et un silence d’action de grâce pour discerner que l’abondance des vœux et de bonnes paroles de ces jours de fête, portent le risque à compter sur notre propre force et à oublier le Christ. Comme les bergers, nous pouvons nous enfoncer sans peur dans les ténèbres de notre monde pour témoigner et écrire en lettres de lumière l’histoire de notre salut, de notre victoire sur le mal.

Père Chelbin Alfred Wanyinou HONVO, Bibliste.