Dans un article daté du 14
février dernier, intitulé « crise syrienne, l’impasse ou les négociations »,
nous avions tenté de montrer en quoi la situation libyenne était différente de
celle syrienne et d’indiquer la voie des négociations comme la plus sage et la
plus intelligente géopolitiquement : « Pour
notre part, étant donné que les conflits finissent toujours sinon souvent
autour de la table des négociations, il est peut-être plus sage de ne pas
verser trop le sang humain avant de s’y rendre. Les rapports de force entre
rebelles et forces loyales sont disproportionnelles. Le régime syrien ne montre
pas encore des signes d’essoufflement ou de fissure malgré les sanctions
imposées par certains pays. L’Onu peine à s’accorder sur une action concertée.
Les deux pays capables d’une action unilatérale (France et USA) sont
pratiquement en campagne électorale avec une réélection qui s’annonce difficile
pour leur président respectif. Un appui direct et militaire devient peu
probable eu égard à l’opinion peu favorable de ces deux pays aux interventions
militaires. La ligue arabe est-elle en mesure d’intervenir militairement
sachant que le régime syrien conserve encore des alliés de taille dans la zone
? Rien n’est moins certain. »
Près de cinq mois plus tard, les
faits nous donnent dramatiquement raison. La situation, loin de s’améliorer, s’empire
dans la mesure où l’hypocrisie règne en permanence dans les tentatives de résolution. Effort diplomatique le jour par soutien officiel aux actions en vue d'une solution politique et négociée de Koffi ANNAN et dans l'ombre, on essaie d’armer qui les rebelles, qui le régime. Du coup, les deux
parties sont pleinement entrées dans la
logique de la guerre et se fient désormais à une solution militaire qui n’a
jamais été la meilleure au grand dam des populations au service desquelles
chaque partie prétend se mettre. En somme, une situation de guerre meublant simultanément les pourparlers de paix.
Les occidentaux, fidèles à
leur traditionnelle clé de lecture des
événements qui aboutit presque toujours à la désignation du « camp du bien » et du « camp
du mal » ont déjà fait leur option ; option relayée par les médias
occidentaux France 24 ou TV5 pour ne citer que ceux-là. A grand renfort de vidéo
amateur avec les mêmes cris, avec un décompte macabre régulièrement mis à jour
par l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme dont certains mettent en doute
l’impartialité et l’objectivité, les occidentaux tentent de rallier l’opinion
publique internationale à leur cause. Point n’est besoin d’être expert ou
professionnel de communication pour voir le service informatif amplifié fait
sur un général qui fait défection alors qu’on ne sait rien du nombre de
généraux que compte l’armée syrienne ni la position hiérarchique du général
démissionnaire ou tombé en disgrâce. Les récits des opérations militaires des
rebelles de plus en plus armés et organisés sont pratiquement inexistants, mais
les bombardements du pouvoir sont
montrés à longueur de journées. Mais tous les observateurs et analystes avertis
et dépourvus de parti pris s’accordent pour dire que la situation syrienne est
plus compliquée qu'on ne le pense. La logique de guerre est désormais installée. L’assiette sociale du
régime se fragilise avec les grèves lancées par les commerçants, contraignant le régime à ne tenir que par la
force. Ce qui évidemment ne peut durer indéfiniment rien que par le fait de la
lassitude du peuple pris en otage entre deux feux. Quelle garantie avons-nous
qu’un éventuel chaos syrien n’embrasera pas la sous-région ? dans quel cas
de figure serions-nous au lendemain d'une éventuelle chute du régime, sachant que les
occidentaux ne s'attardent pas en général sur le « service après-vente » pour
reprendre une expression du Canard enchaîné
du 4 juillet 2012 sur la situation
en Lybie. Qui pourrait prétendre connaitre à fond le projet politique des opposants dont on connait bien les divergences ?
A notre humble avis, il faudrait
que les syriens acceptent de se regarder en face pour trouver un compromis
autour des changements à apporter à la vie politique de leur pays sachant que
ce pays leur appartient, majorités ou minorités, musulmans de tous bords et
chrétiens. Le caractère mosaïque de leur pays le recommande vivement ; de plus
une intervention militaire extérieure, dans leur cas, est peu probable pour des
raisons politiques, militaires et économiques. Le sang des milliers d’innocents
exige la recherche du compromis politique. Enfin qu’ils n’oublient pas qu’ils sont en train de
détruire leur beau pays…
P. Eric Oloudé OKPEITCHA
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