dimanche 19 décembre 2010

Trois leçons de la crise ivoirienne

La Côte d’Ivoire du grand président Houphouet Boigny n’a pas cessé d’alimenter la chronique de l’actualité mondiale depuis quelques années. Ambiances de guerre civile, divisions du pays en deux parties, rebellions armées, présence des troupes de l’ONU, reports répétés d’élection ou élections contestées et pour comble, l’affreux spectacle de deux présidents et de deux gouvernements… Ce tableau qui n’a rien d’original, puisque plusieurs pays l’ont aussi vécu à quelques nuances près, attriste tout africain épris de paix et de prospérité pour le continent tant il est vrai qu’il s’agit d’un pays autrefois havre de paix et de stabilité, terre d’accueil et d’immigration pour beaucoup de bras valides de l’Afrique de l’Ouest à la recherche d’un mieux-être. Loin de nous la prétention de désigner le coupable dans ce drame qui commence par trop durer et bien malin qui pourra en dessiner avec certitude l’issue. Seulement, nous voudrions esquisser quelques réflexions surtout pour la jeunesse africaine qui vit de près ou de loin cet événement qui doit devenir une expérience pour tous les africains.
Le pouvoir, service ponctuel à la Nation
La situation actuelle a commencé tout comme une banale querelle de succession. Après plusieurs décennies de pouvoir paternaliste sans partage, le grand président Houphouet Boigny a finalement pris le chemin de tout le monde. Ce coup d’arrêt fatal va créer une crise sans précédent dans un environnement où l’on ne connait pas le mot alternance et où l’on ne conçoit pas la réalité du pouvoir comme un service ponctuel à rendre à la Nation et puis à laisser à d’autres. Qui ne se laisserait pas tenter par le fauteuil moelleux et doré du président défunt ? Le résultat est là et inspire indignation. D’où la première leçon de cette crise, à savoir la conception du pouvoir politique comme un service ponctuel que l’on rend à sa Nation. Nous souhaitons vivement que la jeunesse africaine extirpe de son esprit la vieille conception du roi africain qui ne doit pas connaitre son successeur. Le monarque africain, exerçant et jouissant des honneurs du trône jusque dans la tombe doit mourir en chaque dirigeant africain et surtout dans la jeunesse africaine, l’élite de demain.
Jamais la guerre comme stratégie ou solution
La deuxième leçon de ce drame de la Côte d’Ivoire est le phénomène de la guerre à proscrire radicalement comme stratégie de conquête ou de maintien au pouvoir. La guerre, dit un ancien chef d’Etat africain, on sait quand ça commence mais jamais comment ça finira. Les artisans de premier ou de dernier ordre de la guerre en Côte d’Ivoire ne pourront jamais imaginer la fin de ce feu qu’ils ont allumé. Dans la situation actuelle, la réalité de la guerre a beaucoup joué. La contestation des résultats provenant d’une partie du territoire échappant au « pouvoir central », les soupçons mutuels et les rancœurs nés de la guerre rendent difficile l’acceptation des résultats définitifs. Dans un pays qui a connu la guerre, la confiance est détruite pour longtemps entre ses fils. Comme un feu mal éteint que rallume un léger vent, les uns et les autres sont à l’affût de quelque événement pouvant provoquer un retour au chaos de la guerre. Ce qui compromet le présent et surtout l’avenir du pays.
Prioriser le compromis
La troisième leçon est le rôle de la communauté internationale. Elle s’est déjà impliquée dans la résolution de conflits internes de plus pays du monde, mais en général, c’est seulement la volonté de compromis entre les fils et filles du pays qui a toujours fait poser la colombe de la paix. Et plus que jamais, cela se vérifie dans le cas actuel. Certains ont accusé la communauté internationale d’ingérence dans les affaires internes de la Côte d’Ivoire. A notre avis, c’est facile de sonner la trompette du nationalisme. Mais quand l’on sait l’investissement logistique, financier que fait la communauté internationale depuis le début des troubles jusqu’aux dernières élections, on pourrait comprendre son impatience pour un retour à la normalité surtout que d’autres fronts dans le monde sollicitent son soutien, que ce soit dans le domaine de la santé ou du développement. Aujourd’hui, nous avons deux présidents : l’un refuse de se plier à la volonté de la communauté internationale qui lui demande de remettre le pouvoir, l’autre est perçu par une partie de la population comme le symbole du diktat de la communauté internationale. Dans un cas comme dans l’autre, ce sont les Ivoiriens qui compromettent leur avenir. Car comment gouverner sereinement un pays en se mettant toute la communauté internationale à dos avec les mesures habituelles d’exclusion, de sanctions ciblées, de gel des avoirs… ? de l’autre côté, comment asseoir un pouvoir en vue de la reconstruction d’un pays quand l’on passe pour un président issu d’élections contestées à tort ou à raison, soutenu et imposé par la communauté internationale… ? C’est dire donc, que la solution se trouve une fois encore dans les mains des Ivoiriens qui doivent faire l’effort de dépasser leurs différends pour s’occuper de l’avenir de leur Nation et surtout du sort qu’ils réservent aux futures générations. Bientôt, on commencera à parler de la génération de la guerre.

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