dimanche 17 juillet 2011

LE SOUDAN DU SUD INDEPENDANT : LE DEFI ET LES PIEGES


« Bienvenue au Soudan du Sud, bienvenue dans la communauté des nations », tels furent les termes de Ban Ki-Moon, le secrétaire général de l’ONU, accueillant officiellement, le 14 juillet 2011, le 193ème membre de l’Organisation, le Soudan du Sud. En effet, depuis le referendum de janvier 2011, qui s’est soldé par la victoire sans équivoque du « oui » à l’indépendance, le 54ème Etat africain était né, en attendant de proclamer officiellement son indépendance le 9 juillet. C’est la fin d’un feuilleton tragique qui a coûté la vie à plus de deux millions de personnes, transformant plus de 4 millions en réfugiés tentant de survivre désespérément sur les routes du monde.


Plusieurs décennies de guerre civile, plusieurs accords de paix vite remis en cause. Les causes en sont multiples : volonté affichée du Nord majoritairement musulmane d’islamiser le pays entier, imposant à tous, la Shari’a introduite dans le code pénal, refus musclé du Sud (chrétien et animiste) de se laisser faire, contrôle des ressources pétrolifères du Sud, exploitées par les chinois. Le colonel John Garang, le leader charismatique du SPLM/A, la rébellion armée du Sud aura joué un rôle de premier plan avant de mourir, le 30 juillet 2005, au cours d’un accident d’hélicoptère dû au mauvais temps, avec 14 personnes, de retour d’une brève visite au président Ougandais Yoweri Kaguta Museveni, dont le rôle dans les pourparlers de paix n’est plus à souligner.Cet accident intervenait quelque temps après l’entrée triomphale de Garang à Khartoum comme vice-président du Sud.


Depuis l’histoire a porté devant la scène l’actuel président Salva Kiir Mayadit devenu entretemps l’adjoint direct de Garang. Moins charismatique que ce dernier, taciturne et introverti, il est cependant plus orthodoxe et plus rigoureuse dans la gestion financière et l’établissement d’une administration intègre et efficace dans les territoires du Sud. Pour cela, il n’hésitait d’ailleurs pas à s’opposer à Garang, qui comme tout héros, avait son petit côté qui consistait en un gestion paternaliste des ressources moyennant des accords à mains levées avec certaines multinationales. Vive le Soudan du Sud indépendant.


Aux lendemains de l’indépendance


L’analyse du parcours des 50 ans d’indépendance de plusieurs pays africains a désillusionné sur la portée de l’indépendance « acquise » de haute lutte comme c’est le cas du Soudan du Sud ou simplement octroyée. Quelles qu’en soient les conditions, elle n’est jamais une fin en soi. Bien au contraire, c’est le début d’une nouvelle aventure, d’une nouvelle expérience, celle de la liberté qui est loin d’être facile. L’histoire de la marche du peuple d’Israël dans le désert, après la sortie d’Egypte, est très suggestive, à cet égard. Pour revenir au Soudan du Sud, nous dirions que les défis et les pièges sont multiples.


A notre avis, le défi primordial est celui du respect de la mémoire des victimes civiles et militaires. Ce défi, en soi, contient tous les autres. En effet, le respect de la mémoire des millions de victimes impose qu’on ne gaspille pas l’opportunité. Mais qu’on la saisisse pour construire l’avenir des millions d’orphelins et de jeunes détruits à tout point de vue par la guerre. Ce serait trahir gravement la mémoire des victimes que de faire de ce changement notoire l’occasion offerte à quelques uns de satisfaire leur soif de pouvoir et d’opulence sur le dos des pauvres populations, se constituant en îlot de richesse dans une mer de misère absolue. Cela est déjà arrivé de par le passé ! Et c’est pour cela qu’il convient d’éviter un certain nombre de pièges.


Le tout premier réside dans la poursuite des relations conflictuelles avec le Nord. Cela ne rimerait à rien. Il faut pouvoir s’arrêter pour construire la paix. Une amitié avec le Nord vaut mille fois plus que des accords avec les grandes puissances ou les multinationales dont on connait désormais la politique.


Le deuxième piège est la mauvaise gestion des ressources pétrolifères. Ces dernières ont conditionné, pendant des années, le soutien multiforme des « grands amis. » Aujourd’hui, le devoir de reconnaissance ne devra pas sacrifier le bien-être du pays où tout est à construire ou à reconstruire. En effet, il ne suffit pas d’avoir les ressources pour être riche. Et de plus, le contrôle de ses ressources a toujours poussé les multinationales à souffler aussi bien le chaud que le froid ; d’où la vigilance.


Le troisième piège est le modèle de développement à choisir. Le développement ne doit pas être conçu seulement sur le modèle de la croissance économique. Il doit être d’abord humain et s’inscrire dans le temps. Du coup, le plus important aujourd’hui est de construire la conscience d’appartenir à un Etat qui doit prendre en main son destin. L’apport extérieur n’est pas philanthropique et ne remplacera jamais l’effort national.
Nous le reconnaissons, face à ce défi et à ces pièges, rien n’est d’avance gagné.

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