mardi 1 mars 2011

Points d’ancrage culturels : la conception africaine fataliste du destin


Le mythe yoruba de la création relate les mésaventures d’Oricala (Obatala, le fils aîné déchu de sa mission de créer de la terre ferme sur les eaux originelles) qui reçoit cependant, en contrepartie, d’Olodumare, (Dieu) le pouvoir de modeler, dans la glaise, le corps humain ara. Ainsi, une fois le modelage achevé, il le présente à Olodumare qui y insuffle la force vitale (emi). Doté de ce souffle, ara peut maintenant se mouvoir. Mais, il lui manque encore la tête ori. Aussi se dirige-t-il vers le magasin d’Ajala, le potier des têtes. Il s’y rend et choisit librement sa tête. Ce n’est qu’à ce moment seulement que l’homme (enian) peut entreprendre son voyage de (orun), ciel vers (aiyé), monde. Les têtes ne sont pas identiques ; il en existe de toutes sortes : des meilleures aux pires. De la tête choisie dépendra la vie future de l’homme sur la terre.

Ce mythe très ancré dans le milieu yoruba explique la pratique de la consultation des oracles à chaque naissance d’enfant. On voudrait connaitre les caractéristiques et les exigences de l’ori avec lequel il est arrivé au monde. A partir, de ce moment, on donne une certaine orientation à la vie de l’enfant, on commence par demander à sa mère d’observer certains interdits, on l’oriente pour telle ou telle formation à partir des aptitudes innées en lui et révélées aux parents par l’oracle ou Ifa.

Le problème se pose dès lors que l’homme yoruba et africain se met dans la tête que tout est déjà écrit pour lui. Fait-il un accident ? meurt-il prématurément d’une maladie ? Ne réussit-il pas dans la vie ? A-t-il une vie sentimentale instable ou tumultueuse ? La réponse est toute simple et claire : « c’est son sort », « c’est écrit pour lui », « il ne pouvait surtout pas l’éviter.» Le mieux à faire est d’aller encore consulter l’oracle, en milieu yoruba (Ifa) pour savoir les raisons du malheur ou de l’échec. Si celles-ci résident dans la violation d’un interdit de son « ori », il fait les sacrifices nécessaires pour réparation et tout devait pouvoir normalement rentrer dans l’ordre. Par contre, si le malheur en question rentre dans la « programmation » de son « ori », il n’y a pas de sacrifice à faire. Il subit ou assume. Cette conception du destin entraîne une attitude de résignation, de démission et de renoncement à tout combat. Au lieu de chercher à dominer la nature, à vaincre ses hostilités, à dépasser ses propres limites, l’africain se soumet facilement et s’installe dans une passivité qui l’empêche d’évoluer.

Le jeune africain devra prendre conscience de cette conception très ambiante dans son milieu pour la dépasser en revêtant les marques d’un conquérant. Le « ori » ne saurait être un déterminant absolu. Autrement il enlève à l’homme sa plus grande dignité, la liberté et la responsabilité, à mon sens, deux facettes d’une même médaille. Victor Hugo, très simplement disait : « ceux qui vivent, sont ceux qui luttent.» Il est grand temps que la jeunesse africaine prenne son destin en main, sachant clairement que la vie est un combat, que rien de grand ne se construit ou ne s’obtient sans effort, qu’aucune malédiction ne pèse sur son continent et qu’aucun destin ne l’a préposé à la misère, à la mort violente dans les conflits armés, dans le désert ou dans la mer, à l’errance en Europe sans avenir ni présent, vivant de la mendicité et de la pitié d’autres hommes qui ploient aussi sous le poids de leurs propres problèmes. Jeune africain, lève-toi et prends ton destin en main.

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