samedi 11 décembre 2010

Dimanche 5 décembre 2010. Urgence de la conversion

A quelque différence près, l’Évangile de ce deuxième dimanche de l’Avent revient, comme celui du dimanche dernier, sur les accents menaçants des « fins dernières »: le royaume de Dieu est proche, préparez-vous en vue d’échapper à « la colère prochaine ». Ces diverses images appartiennent en réalité à un mode pittoresque d’expression des prophètes et/ou des évangélistes (cf. par exemple la littérature apocalyptique de Daniel). Ils essaient ainsi de créer une tension vive en vue d’affirmer l’imminence du Règne de Dieu (en réalité déjà inauguré et déjà-là), et conduire l’homme à la pleine connaissance de Dieu à travers les exigences fondamentales de l’Évangile. La mission du Baptiste peut se comprendre dans ce cadre-là.

La mission de Jean Baptiste…

L’activité prophétique de Jean le Baptiste est toute orientée vers le Christ, « Celui qui doit venir ». Dernier de la longue lignée des prophètes annonciateurs du Messie, il nous est connu comme le précurseur du Christ, « celui qui prépare la voie…». C’est l’une des figures sublimes de l’humilité dans les Écritures : il s’efface devant le Christ, Celui dont il n’est pas « digne de dénouer la courroie des sandales » (Mt 3,11). Mais Jean se trouve dans la continuité de l’Ancienne Alliance : Isaïe en sa prophétie (Is 40,3) le présentait comme « la voix de celui qui crie… ». Aussi, le portrait physique de Jean ressemble à celui d’Elie (2 Rois 1,8) : «…vêtement fait de poils de chameau et un pagne de peau autour de ses reins ; sa nourriture était de sauterelles et de miel sauvage.» (Mt 3,4). Par là, Mathieu signale l’identité prophétique de Jean comme le nouvel Elie devant préparer les jours messianiques (Mt 11,14). Ces éléments sont l’authentification de la mission du Baptiste. Son activité s’inscrit dans l’accomplissement du règne de Dieu. D’une part, personne ne s’envoie et personne ne s’improvise prophète. On est envoyé en mission parce qu’on la reçoit de Dieu, une mission prophétique légitimement identifiable dans une généalogie sacrée de prophètes et vérifiable au double point de vue historique et théologique. Nous pouvons aussi lire d’autre part, en ce caractère ascétique de Jean, sa dynamique d’être et de vivre déjà dans l’Esprit du Christ qui vient. A son école, le chrétien peut vivre cette tension permanente, une vigilance (au sens de veiller dans le Seigneur) à opérer des choix éthiquement corrects en vue du Règne de Dieu. C’est tout cela sauf une simple et banale tentative piétiste de mortification. L’esprit de nos différents exercices d’ascèse et de mortification n’est-il pas avant tout d’indiquer que Jésus nous appelle à le suivre non simplement comme un personnage fameux, modèle à admirer ou à copier, mais comme une croix à prendre et à porter (imitation du Christ) ?

Urgence de Conversion

Le contenu de sa prédication est toute simple mais dense : « convertissez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche.» Nous retrouvons cette même proposition impérative chez Jésus quand il inaugure sa mission publique (Mt 4,17 ). L’expression « Royaume des cieux » peut bien traduire l’universalité de la Seigneurie de Dieu. Ce pouvoir universel est le salut que Dieu inaugure pour son peuple. Ce salut se révèle maintenant tout proche de nous. Dieu est fidèle en sa promesse et l’évangéliste en donne les preuves en citant Isaïe. À l’initiative de Dieu devra correspondre notre réponse. Cette réponse humaine est un programme de conversion (étym. metanoia = changement (renversement, retournement) d’esprit, de cœur), de renversement intérieur des résistances de notre ego à la grâce. Le prophète s’illustre ici, celui qui est spirituellement capable de lire même dans les cœurs et les pensées de ces concitoyens : « engeance de vipères, qui vous a suggéré d'échapper à la Colère prochaine ?…ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : "Nous avons pour père Abraham." Car je vous le dis, Dieu peut, des pierres que voici, faire surgir des enfants à Abraham» (Mt 3,7.9). Personne ne peut se prévaloir d’être ou d’avoir de privilèges que d’autres devant le Seigneur. Tous doivent se conformer à l’urgence de pénitence, de changement de vie en vue du Règne. Au sacrement de baptême qui nous configure au Christ, doit suivre la conversion quotidienne intérieure, passage du vieil homme à l’homme nouveau inauguré en Jésus-Christ. Baptême et confession des péchés vont de pair et font entrer le Christ dans l’âme et la vie du croyant. L’une des dimensions de la grâce de l’incarnation historique du Verbe (logos), c’est la naissance du Christ dans le cœur de l’homme qui l’accueille. C’est un parallèle significatif. Le Christ fait irruption dans nos vies ou, le Règne de Dieu est proche de nous si et seulement si nous acceptons d’opérer ce changement radical dans notre relation avec Dieu. On reconnaît l’arbre à ses fruits.



Fruits de conversion

En réalité, les invectives de Jean contre les pharisiens et les sadducéens portaient surtout à dénoncer leur tendance à recevoir le baptême avec un esprit insincère, sans une volonté vraie de conversion. Le Baptiste n’arrêtait pas de le dire haut et fort : «…produisez des fruits dignes du repentir ». Autrement dit, donnez la preuve que vous êtes convertis. Et nous pouvons nous poser la question : quels sont ces fruits de conversion? Mathieu n’en donne aucun détail. Chez Luc au contraire, c’est un tableau de pratiques qui est dressé (Lc 3,10-14), répondant ainsi à la question « que devons-nous faire ? » Mathieu va au-delà de simples pratiques à observer. Et plus qu’une question du « faire », c’est une orientation nouvelle de vie. L’Évangile n’est pas d’abord un ensemble de « choses à faire », un ensemble d’observances religieuses. Cela vaut pour nous aussi aujourd’hui. L’Évangile est d’abord la foi en Jésus crucifié et ressuscité. Mathieu a certainement vu que la recherche de pratiques rigoureuses à accomplir, expose les croyants à un pharisaïsme dangereux et au risque du piétisme. Celui ou celle qui se convertit est comme un arbre dont les racines plongées en Dieu, produisent de bons fruits. Les fruits de la conversion sont donc la vie en Christ par la prière, la réconciliation, la justice et l’amour (Lc 3,10-14).
Les lieux du ministère du Baptiste sont à ce propos significatifs. Désert et Jourdain évoquent l’Amour de Dieu pour Israël. Le désert plus que tout, nous convoque au détachement, au silence. Son trait d’aridité nous signale aussi l’urgence d’une vie intense de prière pour comprendre que la foi est un de don de Dieu qu’il faut cependant, tous les jours demander et humblement conquérir par la prière. C’est la foi qui fait « refleurir le désert » et fait revivre l’arbre mort.

Ce sauveur qui fait refleurir le désert

L’élément fondamental qui dans les textes de ce dimanche pointe, est la figure ou la nature de ce sauveur qui vient, pas seulement à Noël et dans les sacrements que nous recevons tous les jours mais, qui vient « à l’accomplissement des temps ». Qui est ce Messie qui vient au « jugement final » ? « au dernier jour » ? Qui est ce Sauveur qui vient au jour de « la colère…» ou à l’avènement du Jour du salut ?
Plus haut, Jean Baptiste le présentait comme celui qui baptisera dans l’Esprit et le feu. Pour Paul en deuxième lecture, il est le serviteur qui a uni les peuples en vue du même salut. Et dans la première lecture, deux symbolismes frappent le lecteur d’Isaïe : un symbolisme relatif au règne végétal et un symbolisme relatif au règne animal. Par ces deux figures, le prophète annonce une humanité réconciliée et rénovée, une nouvelle création dont « le surgeon qui pousse des racines de Jessé » est le protagoniste. En réalité, la dynastie davidique anéantie et déclarée morte par les forces ennemies, reprend force ; les infidélités et péchés de cette dynastie n’ont pas eu le dessus. YHWH (Dieu) a eu le dessus. Et, en la personne du Messie se réalise et se manifeste la nouveauté de Dieu. La nouvelle création renaît sous le signe d’une humanité réconciliée et mise en harmonie. Grâce à l’Esprit de connaissance de Dieu, l’ordre de la création est rétabli. Les tensions entre raison et instinct, intelligence et émotion, désir et agir sont mises en harmonie. Le désert refleurit. L’arbre mort porte du fruit. C’est l’œuvre de ce Sauveur qui vient.
Dans l’humilité de Jean-Baptiste, redécouvrons la flamme vive de la connaissance de Dieu et notre vie renaîtra de ses cendres. Repartons du Christ pour produire les fruits de notre conversion.

Père Chelbin Alfred Wanyinou HONVO, Bibliste.

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