mercredi 16 février 2011

Crise égyptienne : « savoir quitter le pouvoir avant qu’il ne vous quitte »

"L’entêtement à s’accrocher au pouvoir naît souvent de la conception du pouvoir comme source d’enrichissement mais aussi d’une dynamique fusionnelle de soi avec la fonction ou le pouvoir que l’on exerce."



Un ancien chef d’Etat africain disait il y a quelques années qu’il faut savoir « quitter les choses avant qu’elles ne vous quittent .» Si ces propos pouvaient être considérés comme une maxime, il faudrait systématiquement et impérativement l’enseigner en un cours spécial à tous les chefs d’Etat du continent africain. En effet, l’histoire politique du continent, ces dernières 50 années, regorgent de chefs d’Etat, héros au départ, usés par la longévité au pouvoir et ses corollaires de perte des idéaux de base, de généralisation de la corruption, de l’institutionnalisation du népotisme et autres vices du pouvoir sur fond de dictatures féroces et répressives. Faut-il évoquer ici le cas de Mobutu, contraint à céder le pouvoir sous la pression de la rébellion dirigée par Kabyla et à prendre la route de l’exil ou de la petite porte ? on connait la suite pour lui-même et pour son pays richissime mis à genoux par d’interminables conflits à paramètres multiples et dont nul ne connait l’issue. Certains, plus chanceux, sont morts de maladie, laissant derrière eux, un héritage difficile à gérer : Félix Houphouët Boigny pour la Côte d’Ivoire, Eyadema Gnassingbé pour le Togo, Omar Bongo pour le Gabon…



Le président égyptien Hosni Moubarak ne semble pas avoir saisi les leçons de la mauvaise conclusion de carrière de ses pairs. Il vient d’en faire les frais après 18 jours de protestations sur la désormais célèbre place « Tahrir » symbole du printemps arabe, de l’aube nouvelle qui se lève non seulement sur le Proche-Orient mais sur toute l’humanité. Les promesses de réformes faites, ces jours-ci, dans la foulée des manœuvres de gestion de la crise auraient pu être entreprises, il y a quelques années que nous ne serions peut-être dans la situation actuelle du « héros » béni de Dieu (sens de Moubarack) devenu l’indésirable. Mais il semble que la maladie commune des dictatures est de ne jamais savoir s’arrêter à temps ni quand il devient « trop tard ». Les tentatives pour contrer le mouvement en contrôlant les médias ou en soulevant des contre-manifestants ont révélé leurs limites. La détermination et le courage du peuple égyptien et surtout de la jeunesse ont payé ; les temps ont changé, le monde aussi.



Le « savoir quitter le pouvoir » que nous proposons comme première leçon de la crise égyptienne à la jeunesse africaine repose sur une nouvelle conception du pouvoir. Comme nous le disions dans le cas de la Côte d’Ivoire, il doit être un service ponctuel, rendu dans la plus grande transparence et le plus grand dépassement. En effet, l’entêtement à s’accrocher au pouvoir naît souvent de la conception du pouvoir comme source d’enrichissement et d’impunité pour ses caprices mais aussi d’une dynamique fusionnelle de soi avec la fonction ou le pouvoir que l’on exerce. Les temps ont changé, le monde invisible de Lippmann Walter dans son livre L’Opinion publique ou la haute sphère, témoin des ignominies de tout genre, inconnue du peuple est détruit ; en lieu et place, s’est érigé un monde où tout le monde sait tout sur tout comme dans un petit village ou un quartier de ville. Mais quelles sont les implications géopolitiques et stratégiques de cette chute du Raïs après de 30 ans pouvoir ? Quelles en seront les éventuelles répercussions pour le Proche-Orient et le continent africain ? Et l’après Moubarak ?

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