mardi 18 janvier 2011

Le destin dans quelques courants philosophiques de l'Antiquité

Les grandes affinités du destin avec le mythe expliquent la réprobation de la conception superstitieuse du destin dans le Gorgias (1) par Socrate.
Le platonisme
Platon recourra aux mythes
pour aborder ce sujet dans quatre de ses dialogues. (2) L’Académie répond par l’affirmative à la question de l’existence ou non du destin. Une lecture croisée de ses mythes pose l’heimarménè comme l’expression de la justice cosmique, la loi divine theios nomos et eschatologique qui proportionne le sort de l’homme à sa valeur morale en l’élevant ou en le dégradant dans l’échelle des êtres selon qu’il a fait preuve de justice ou d’injustice au cours de son existence. L’âme humaine se trouve devant un choix : ou l’assujettissement au monde sensible marqué par le destin ou la liberté dans l’effort pour intégrer le monde intelligible dont l’ascension graduée passe par la vertu, la contemplation et la vision.
L’aristotélisme
Quant à Aristote, il admet l’existence du destin qu’il identifie à la Physis, à la Nature. (3) Cette identification répond aux deux sens du mot « Nature », d’abord l’universel (cosmos) et ensuite le particulier (essence). L’heimarménè selon le Lycée est borné par le hasard ; l’art et l’activité raisonnée peuvent modifier son cours.
L’épicurisme
L’épicurisme marquera une originalité
en répondant par la négative à la question de l’existence ou non du destin. En effet, de tous les systèmes philosophiques de l’antiquité, seul l’épicurisme a nié l’existence du destin au nom de la liberté et d’un hasard différent de celui d’Aristote. Epicure aurait même rédigé un Traité du destin (4) qui ne nous est malheureusement pas parvenu. Le seul passage un peu clair sur le destin dans l’œuvre d’Epicure est la péroraison de la Lettre à Ménécée qui résume avec vigueur la méthode épicurienne pour atteindre le bonheur en dressant de façon splendide le portrait du sage libéré de tout préjugé et de toute croyance superstitieuse. « Qui, alors, estimes-tu supérieur à celui qui a sur les dieux des opinions pieuses , qui, à l'égard de la mort, est constamment sans crainte, qui s'est rendu compte de la fin de la nature, saisissant d'une part que la limite des biens est facile à atteindre et à se procurer , d'autre part que celle des maux est ou brève dans le temps ou légère en intensité, qui se moque de ce que certains présentent comme le maître de tout, le destin… mieux vaudrait, en effet, suivre le mythe sur les dieux que de s'asservir au destin des physiciens… » (5)
Comme nous le voyons bien, les diverses écoles philosophiques de l’antiquité ne sont pas unanimes sur la question du destin. Mais par rapport aux courants sommairement abordés, le stoïcisme marquera un coup de génie…/…

(1) PLATON, Gorgias, 512 e
(2) Il s’agit des mythes suivants : Le Timée (41 e), La République (X 617 c-619 c), Le Phèdre (248 c-e) et Les Lois X, 904 c). Les trois premiers constituent les fondements scripturaires du « fatum platonicum » ou les textes fondateurs de la doctrine de l'Académie sur le destin.
(3) ARISTOTE, Physique, V, 5, 230a 32
(4) Diogène LAERCE, Vies et opinions des illustres philosophes, X, 28.
(5) EPICURE, Lettre à Ménécée in Lettres et Maximes, trad. Conche, nouv. éd., Paris, P.U.F, 1987, p. 225.

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