samedi 27 novembre 2010

Wikileaks : un monde sans secret


Après les milliers de documents top secret publiés sur la guerre en Irak et en Afghanistan, le responsable du désormais célèbre site Wikileaks s’apprêtent à mettre dans les prochains jours, sur internet, c’est-à-dire à la disposition de tout le monde, près de 3 millions d’autres documents sur les rapports et correspondances à Washington des diplomates américains dans divers pays du monde. Cette annonce a semé la panique au Pentagone et dans les milieux diplomatiques américains, quant aux inévitables réactions des pays concernés par les dites révélations. Si la partie américaine parle d’initiative irresponsable tendant à déstabiliser la sécurité globale, pour les responsables de Wikileaks, il s’agit plutôt de créer un monde nouveau et de réécrire l’histoire contemporaine.
Guerre de vision ou d’interprétation d’un acte ; mais en réalité, il s’agit de deux visions du monde et de la société qui s’affrontent par-delà la culture créée par les nouveaux médias, tant il est vrai que l’on parle aujourd’hui de l’ère de la communication. Autrefois, les sociétés vivaient et survivaient par-delà les drames collectifs ou personnels grâce à ce que Walter Lippman appelait dans son ouvrage L’opinione pubblica, le « monde invisible » construit et géré par les gouvernants et non accessible aux gouvernés qui avaient seulement droit à une portion de la réalité. Ceci répond au fonctionnement des sociétés antiques avec la réalité des « secrets de cour » qui pouvaient couvrir des crimes et qui étaient connus seulement d’une mince minorité.
On pourrait souligner l’attachement aux secrets dans les sociétés africaines : les secrets de l’initiation, que le jeune initié passant du monde des enfants à celui des adultes grâce justement au « secret » ne doit jamais révéler, le secret de la religion, tenu par les responsables et transmis de génération en génération seulement dans la haute sphère, le secret politique que seulement détenaient les dignitaires de la cour. Et c’est justement sur cette base que la société était construite et tenait. En d’autres termes, chacun avait droit aux connaissances dignes de son rang et ne s’offusquait pas que des hommes et des femmes d’un autre rang soient mieux renseignés que lui.
Le monde nouveau des responsables du wikileaks s’oppose justement au monde des secrets ou celui divisé en « visible » et « invisible » de Lippmann. Le nouveau monde est celui où tout le monde peut tout connaitre au sujet de tout. Cela jouit certainement d’un charme. Il y a quelques décennies, Sakineh en Iran, Asia Bibi au Pakistan et bien d’autres sauvés par la mobilisation internationale, auraient déjà fini leur vie dans l’horreur couverte du lourd manteau du silence parce que non sue. Au jour d’aujourd’hui, elles vivent et certainement les jours à venir, nous le souhaitons fortement, recouvriront la liberté. Les écoutes et interceptions téléphoniques, les recherches policières permettant de reconstruire le contenu des portables (sms, appels, réceptions) des années après, le piratage des mails d’une tierce lancés après sur le net, la possible publication de documents marqués confidentiels grâce aux progrès de l’informatique (ce que fera bientôt Wikileaks, nous lancent un signal fort, celui de la mort du monde avec secrets et de la naissance d’un monde sans secret, un monde où « tout le monde peut tout savoir à propos de tout ».( à suivre)

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