jeudi 12 juillet 2012

CRISE SYRIENNE, ENTRE DIPLOMATIE ET SOLUTION MILITAIRE


Dans un article daté du 14 février dernier, intitulé « crise syrienne, l’impasse ou les négociations », nous avions tenté de montrer en quoi la situation libyenne était différente de celle syrienne et d’indiquer la voie des négociations comme la plus sage et la plus intelligente géopolitiquement : « Pour notre part, étant donné que les conflits finissent toujours sinon souvent autour de la table des négociations, il est peut-être plus sage de ne pas verser trop le sang humain avant de s’y rendre. Les rapports de force entre rebelles et forces loyales sont disproportionnelles. Le régime syrien ne montre pas encore des signes d’essoufflement ou de fissure malgré les sanctions imposées par certains pays. L’Onu peine à s’accorder sur une action concertée. Les deux pays capables d’une action unilatérale (France et USA) sont pratiquement en campagne électorale avec une réélection qui s’annonce difficile pour leur président respectif. Un appui direct et militaire devient peu probable eu égard à l’opinion peu favorable de ces deux pays aux interventions militaires. La ligue arabe est-elle en mesure d’intervenir militairement sachant que le régime syrien conserve encore des alliés de taille dans la zone ? Rien n’est moins certain. »

Près de cinq mois plus tard, les faits nous donnent dramatiquement raison. La situation, loin de s’améliorer, s’empire dans la mesure où l’hypocrisie règne en permanence dans les tentatives de  résolution. Effort diplomatique le jour par soutien officiel aux actions en vue d'une solution politique et négociée de Koffi ANNAN et  dans l'ombre, on essaie d’armer qui les rebelles, qui le régime. Du coup, les deux parties  sont pleinement entrées dans la logique de la guerre et se fient désormais à une solution militaire qui n’a jamais été la meilleure au grand dam des populations au service desquelles chaque partie prétend se mettre. En somme, une situation de guerre meublant simultanément les pourparlers de paix.   

Les occidentaux, fidèles à leur  traditionnelle clé de lecture des événements qui aboutit  presque toujours  à la désignation du « camp du bien » et du « camp du mal » ont déjà fait leur option ; option relayée par les médias occidentaux France 24 ou TV5 pour ne citer que ceux-là. A grand renfort de vidéo amateur avec les mêmes cris, avec un décompte macabre régulièrement mis à jour par l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme dont certains mettent en doute l’impartialité et l’objectivité, les occidentaux tentent de rallier l’opinion publique internationale à leur cause. Point n’est besoin d’être expert ou professionnel de communication pour voir le service informatif amplifié fait sur un général qui fait défection alors qu’on ne sait rien du nombre de généraux que compte l’armée syrienne ni la position hiérarchique du général démissionnaire ou tombé en disgrâce. Les récits des opérations militaires des rebelles de plus en plus armés et organisés sont pratiquement inexistants, mais les bombardements du pouvoir  sont montrés à longueur de journées. Mais tous les observateurs et analystes avertis et dépourvus de parti pris s’accordent pour dire que la situation syrienne est plus compliquée qu'on ne le pense. La logique de guerre est désormais installée. L’assiette sociale du régime se fragilise avec les grèves lancées par les commerçants,   contraignant le régime à ne tenir que par la force. Ce qui évidemment ne peut durer indéfiniment rien que par le fait de la lassitude du peuple pris en otage entre deux feux. Quelle garantie avons-nous qu’un éventuel chaos syrien n’embrasera pas la sous-région ? dans quel cas de figure serions-nous au lendemain d'une éventuelle chute du régime, sachant que les occidentaux ne s'attardent pas en général sur le « service après-vente » pour reprendre une expression du Canard enchaîné  du 4 juillet 2012 sur la situation en Lybie. Qui pourrait prétendre connaitre  à fond le projet politique des opposants dont on connait bien les divergences ?   

A notre humble avis, il faudrait que les syriens acceptent de se regarder en face pour trouver un compromis autour des changements à apporter à la vie politique de leur pays sachant que ce pays leur appartient, majorités ou minorités, musulmans de tous bords et chrétiens. Le caractère mosaïque de leur pays le recommande vivement ; de plus une intervention militaire extérieure, dans leur cas, est peu probable pour des raisons politiques, militaires et économiques. Le sang des milliers d’innocents exige la recherche du compromis politique. Enfin  qu’ils n’oublient pas qu’ils sont en train de détruire leur beau pays…

P. Eric Oloudé OKPEITCHA     


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